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fourniront plus particulièrement des observations pour le sujet qui m’occupe.

C’est au chapitre V, verset 26, que sont décrits pour la première fois l’invasion des Syriens et l’aspect de leurs formidables armées. Ces images, sans doute, conviendraient aussi aux Babyloniens de la fin du VIIe siècle ; mais on en a déjà vu assez pour comprendre qu’on n’a pas besoin d’aller chercher si loin les ennemis que le poète a sous les yeux.

En fait, rien absolument jusqu’ici n’invite le lecteur à se croire ni au VIIIe ni au IIe siècle, et le chapitre II, au contraire, s’y oppose expressément, puisqu’il est rempli de tableaux d’une prospérité et d’une grandeur qu’on ne peut placer à ces époques.

Mais voici qu’au chapitre VII on trouve un récit qui forcerait en apparence à se reporter en effet au VIIIe siècle. On y voit le royaume de Juda, sous Achaz, père d’Ézéchias, menacé par Rasin, roi d’Aram et Phacée, roi d’Israël : c’est un événement raconté, à cette date, dans le second livre des Rois (XVI, 5). Ce n’est pourtant qu’une apparence, et ce que dit le prophète en cet endroit n’est plus du tout ce dont parle le livre des Rois. Dans celui-ci, Achaz menacé se met sous la protection de l’Assyrien Theglat-Phalasar, qui envahit à la fois le pays de Damas et celui d’Israël, et fait mourir le roi Rasin, tandis que Juda, qui a acheté le salut par sa sujétion, n’a rien à souffrir. Dans le prophète, au contraire, il est bien dit que les deux pays ennemis de Juda sont dévastés (7-16), sans que rien indique qui est-ce qui les envahit ; mais immédiatement Juda est accablé à son tour par une invasion terrible, qui amène des calamités telles qu’on n’en avilit jamais vu depuis que les dix tribus se sont séparées de Juda (7-17). Or il n’y a rien, mais rien absolument qui ressemble à cela dans l’histoire du vm8 siècle. Il a été impossible aux commentateurs de trouver à ce passage une explication satisfaisante. Mais déjà on était averti, par les premiers chapitres du livre, qu’on n’est plus au temps de Theglat-Phalasar.

Il est clair, à la lecture du chapitre VII, qu’Aram et Israël tiennent ici très peu de place, et que ce n’est pas ce qui préoccupe l’écrivain. Ce qui le touche, c’est un autre ennemi, un ennemi formidable, tout près d’écraser Juda ; c’est aussi la délivrance, qui est l’œuvre de Jéhova, et avec la délivrance, la prospérité et la grandeur. C’est là ce qui remplit six chapitres entiers, et c’est là l’histoire du IIe siècle.

L’armée formidable qui fond sur Juda du bout de la terre (5-26), c’est l’armée des Syriens. Le roi d’Assur (7-17-18 et 8-7), c’est le roi de Syrie, qui se trouve très bien désigné par cette appellation antique, puisqu’il est en effet l’héritier des Assyriens. Le pays de