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REVUE MUSICALE

Théâtre de l’Opéra : la Tempête, ballet en 3 actes, d’après Shakspeare, de MM. Jules Barbier et Hansen, musique de M. Ambroise Thomas. — La saison italienne. — La musique à l’exposition.

Ceux des abonnés de l’Opéra, et ils sont légion, qui goûtent surtout la danse, doivent être heureux. La saison a été bonne : on leur a donné une cinquantaine de fois un opéra ancien avec un ballet nouveau ; on vient de leur donner encore un ballet, et celui-là sans opéra. Décidément Shakspeare est très dansant : on danse dans Hamlet ; on danse dans Roméo (et vous vous souvenez avec quel à-propos) ; on fait plus que danser dans la Tempête : on danse la Tempête elle-même et tout entière. A quand l’Othello de Verdi avec le divertissement de rigueur ? Quand fera-t-on inscrire au fronton du théâtre, en les modifiant un peu, ces paroles connues des Huguenots : « Elles dansent encore… Ils ne chantent plus. »

La Tempête, ballet fantastique, d’après Shakspeare, dit la partition. Ce d’après est délicieux. Passe encore pour le Caliban de M. Renan, dont l’ironie sereine et le scepticisme harmonieux donnèrent jadis à la féerie shakspearienne un curieux épilogue. M. Renan pouvait se risquer à faire parler les personnages de Shakspeare après et d’après Shakspeare ; mais, fût-on M. Jules Barbier, il est téméraire de les faire danser. Ariel, Prospero, Miranda, qu’y a-t-il de commun entre la danse et vous, êtres exquis, symboles délicieux de l’idéalisme, de la bienveillance et de l’amour, de la compassion pour la souffrance et de l’indulgence pour les fautes humaines ? Qu’ont à faire