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aux intermédiaires placés sous les bassins, n’est que l’enfance de l’art ; avec des simplifications qui ne dépassent pas le génie d’un mécanicien ordinaire, un seul homme pourra actionner directement, de la tourelle, les robinets d’eau et les plaques de verre ; il jouera sa symphonie de couleurs, comme le pianiste joue sa symphonie de sons. Je cherchais plus haut, ce que pouvaient attendre des fontaines lumineuses les gens sensés, qui travaillent à l’avancement des sciences. Je prie ceux-là de ne pas lire plus avant : je voudrais ajouter quelque chose pour la consolation des jeunes décadens. Il faut bien le reconnaitre, plusieurs de leurs idées favorites prennent corps dans cette tourelle ; par exemple, la transposition des moyens d’un art à l’autre, l’équivalence des impressions reçues par nos différens sens. Et l’équité me contraint à avouer que M. J.-K. Huysmans fut prophète, en certains chapitres de son livre : A rebours. Le gentleman qui manœuvre aujourd’hui les fontaines, d’après quelques formules empiriques, est à ses successeurs probables ce que le maître de solfège est au compositeur inspiré. Quand l’habitude et l’éducation auront instruit les yeux à associer ces sensations nouvelles, quand la rétine affinée distinguera, dans la gamme chromatique des couleurs en mouvement, les vibrations que l’oreille perçoit dans celle des sons, il se rencontrera peut-être un Chopin ou un Liszt qui ravira les âmes avec des mélodies visuelles. Puisque nous rêvons, flattons jusqu’au bout les désirs décadens. Les arts connexes se concerteront dans cette musique totale de l’avenir : sous les bosquets de lotus plantés au bord des fontaines, des orchestres cachés de harpes et de luths feront entendre en sourdine les vieux motifs wagnériens ; des chœurs psalmodieront les proses classiques de M. Stéphane Mallarmé, et les gerbes harmonieuses seront parfumées d’essences rares. A travers leurs buées opalines, les doux hallucinés contempleront en souriant, sur les hauteurs voisines de Passy, la maison agrandie où les disciples de M. le docteur Blanche attendront les générations coutumières de pareilles délices.


LE GLOBE.

Entrons rendre visite à la Terre, notre mère. On en montre la figure au millionième, dans un pavillon spécial de l’Exposition. Il convient d’y aller jeter un regard d’ensemble, avant d’étudier dans le détail les différens exemplaires des hommes qu’elle porte et les divers travaux pari lesquels ces hommes l’ont embellie.

On ne saurait trop féliciter MM. Villard et Cotard de leur intelligente entreprise. Si nous nous accordons quelque avantage certain sur nos