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qu’ils avaient bien d’autres titres à la haute distinction qu’on leur accordait. C’étaient, pour n’en citer que quelques-uns, Vien, le précurseur convaincu, sinon très hardi, de la réforme que son élève David poursuivait, depuis plus de dix ans déjà, avec une force de volonté et une rigueur intraitables ; Regnault, à qui son tableau de l’Éducation d’Achille avait valu, dès 1783, une célébrité presque égale à celle qu’allait conquérir deux ans plus tard le peintre des Horaces ; Roland, le plus habile sculpteur de l’époque après Houdon et Pajou, de qui il avait été l’élève ; Peyre, architecte savant, homme de caractère et de courage, qui, entre autres services rendus à la cause de l’art, avait, sous le règne de la Terreur, sauvé d’une destruction certaine les statues antiques du palais de Fontainebleau en les signalant à la horde venue pour les briser comme des images, — y compris même celles des empereurs romains, — consacrées à la mémoire des républicains par excellence des anciens âges. C’étaient enfin Grétry, depuis bien des années en possession de sa gloire, et Gossec, le créateur en France de la symphonie instrumentale, à une époque où Haydn lui-même n’avait encore produit dans son pays aucun de ses chefs-d’œuvre[1].

L’ensemble du personnel de l’Institut se trouvait donc constitué avant la fin de l’année 1795. Restait maintenant pour ceux qui le composaient à entrer réellement en fonctions, à faire publiquement acte de vie, et, pour commencer, à tenir sous les yeux de tous une séance générale dans laquelle les attributions de l’Institut seraient, une fois pour toutes, exposées, ses travaux à venir ou déjà en train promis à une publicité prochaine. Cette séance solennelle pourtant ne pouvait avoir lieu qu’après que les mesures de réglementation et de discipline intérieures auraient été discutées dans le sein des trois classes et approuvées ensuite par qui de droit. Aussi se mit-on immédiatement à l’œuvre, en vue de ces résultats préalables. Le projet de règlement fut promptement terminé. Préparé par une commission mixte de douze membres où la première classe avait pour représentans Laplace, Fourcroy, Lacépède et Borda, la seconde Daunou, Sieyès, De Lisle, de Sales et Grégoire, la troisième enfin, trois écrivains ou érudits, Chénier, Villars, Mongez, et un seul artiste, l’architecte Boullée, — ce projet dont l’Institut avait approuvé la rédaction le 15 janvier 1796 était, le 21 du même mois, porté au conseil des Cinq-cents, et, un peu plus tard, au conseil des Anciens. Bientôt les deux assemblées législatives nommaient à

  1. Plusieurs symphonies de Gossec furent publiées, à Paris, en 1754, mais on ne les exécuta que plus tard dans des concerts spirituels. La première symphonie en , composée par Haydn en 1758, lorsqu’il était second maître de chapelle du comte de Mortzin, fut exécutée à Vienne au commencement de l’année suivante.