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cents ouvrages dus au ciseau du fécond et très habile artiste le charmant buste de Mme Dubarry, dont le seul tort est d’atténuer à force de grâce, d’abolir presque des souvenirs ignominieux et, par la chasteté même de l’art avec lequel il est traité, de relever à nos yeux et en quoique sorte de purifier la mémoire souillée du modèle, — les bustes de Buffon et de l’académicienne Mme Guiard exposés présentement, comme celui que nous venons île mentionner, dans une salle du musée du Louvre, — la statue de Turenne pour la décoration de l’École militaire et les statues de Bossuet et de Descartes qui ornent aujourd’hui la salle des séances publiques de l’Institut.

De Wailly et Gondoin, appelés les premiers à faire partie de la section d’architecture dans la troisième classe, ont beaucoup perdu, de nos jours, de l’importance qu’on leur reconnaissait au moment où ils furent choisis ; il ne suit pas de là, toutefois, qu’en préférant à d’autres l’architecte du Théâtre de l’Odéon et l’architecte de l’École de médecine, à Paris, on commit sciemment une injustice, ou involontairement une méprise. Sans doute trois architectes, dont les noms sont restés à bon droit plus célèbres, venaient, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, d’honorer l’école française avec une force de talent supérieure ; mais de ces trois grands artistes, celui qui avait édifié à Paris l’Ecole militaire, les monumens de la place Louis XV, et, au palais de Versailles, la salle de spectacle, Gabriel, n’existait plus en 1795 ; le second, à qui l’on doit le théâtre de Bordeaux, — le plus beau des théâtres construits en France avant notre siècle, — Louis, achevait alors, au milieu des agitations et des embarras de toutes sortes, une vie rendue de plus en plus difficile par l’insociabilité d’un caractère orgueilleux à l’excès[1], malveillant en général pour autrui, et particulièrement incapable de se plier aux exigences de la confraternité académique. C’était là ce qui, à deux reprises, en 1767 et en 1780, avait fait fermer à Louis les portes de l’ancienne Académie d’architecture : il est plus que probable que les mêmes motifs empêchèrent qu’on songeât à lui lors de la formation de l’Institut.

Quant à Antoine, qui devait d’ailleurs être élu trois ans plus tard dans cette troisième classe où il peut paraître surprenant qu’il ne soit pas entré dès le premier jour, la rare habileté dont il avait fait preuve dans la construction de l’Hôtel des monnaies, à

  1. Entre beaucoup de témoignages plus que défavorables rendus à ce sujet par des contemporains, on trouve dans les Lettres de Mme Geoffrin au roi de Pologne Stanislas-Auguste de curieux détails relatifs à ce que la signataire de ces lettres appelle l’insolence sans pareille de ce faquin de Louis. »