Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien d’autres événemens se préparent, bien d’autres questions s’agitent, — que tout à côté du Champ de Mars un parlement expire d’impuissance dans la confusion de débats personnels et irritans. C’est, en un mot, la période électorale qui commence avec ses troubles, ses incertitudes, et dans des conditions où les obscurités, les impuissances de la politique jurent avec l’éclat d’une des plus saisissantes manifestations du travail humain, de la vitalité d’une nation. Voilà où nous en sommes, à cette heure même où au bruit des fêtes va s’ouvrir d’ici à peu un scrutin plein de mystères qui peut décider des destinées publiques !

Le nœud du problème, c’est que depuis longtemps la France, quoi qu’on en dise, n’a pas le gouvernement qu’elle mérite, qu’elle appelle plus que jamais de tous ses instincts, de tous ses vœux. Par elle-même, la France est toujours la nation active, industrieuse, économe, libérale par ses sentimens, modérée par ses goûts, aisément résignée aux sacrifices que le patriotisme exige, — fière aussi de retrouver de temps à autre son image dans une œuvre comme celle qui est sortie des mains de ses ingénieurs, de ses administrateurs. Elle n’est jamais bien difficile avec ses gouvernemens pourvu qu’elle ne soit pas poussée à bout ou, si l’on veut, pourvu qu’elle ne voie pas trop qu’on abuse de sa bonne et confiante nature ; elle ne demande qu’à être ménagée dans ses intérêts comme dans ses sentimens ou ses habitudes, à être conduite avec prudence, à être protégée dans sa vie de travail et d’industrie. Tout ce qu’elle demande en vérité à ses gouvernemens, c’est de n’être pas trop gênans, de lui laisser la liberté et la paix. Voilà ce qu’on n’a pas compris, voilà le dangereux malentendu qui n’a cessé de se compliquer et de s’aggraver ! On a eu l’arrogance de prétendre disposer de cet honnête et laborieux pays dans un intérêt de domination ; on s’est hâté, sous prétexte de réformes républicaines, de remettre en doute ses institutions, ses lois, sa magistrature, son organisation tout entière : on a mis un esprit d’exclusion jalouse dans son administration, la délation intéressée dans ses communes, la passion de secte dans ses écoles, la prodigalité imprévoyante dans l’administration de ses ressources, l’âpreté dans le maniement du pouvoir. En un mot, la France demandait un gouvernement d’équité nationale, on lui a donné un gouvernement d’oligarchie républicaine ! et c’est ainsi que la séparation s’est faite, lente d’abord, puis précipitée, entre des politiques soutenant par aveuglement, par infatuation ce qu’ils avaient entrepris par entraînement de parti ou par imprévoyance, et un pays graduellement impatienté, irrité de se sentir atteint dans sa paix civile comme dans ses intérêts. L’incompatibilité a éclaté dans l’incohérence, le dégoût s’en est mêlé. On en est là, et le mal qui a été fait, ce n’est point, on en conviendra, cette fin de session qui le réparera, qui relèvera le crédit des républicains embarrassés de leurs fautes devant le pays.

Qu’est-ce en effet que cette série de séances parlementaires où une