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REVUE LITTERAIRE

A PROPOS DU DISCIPLE

Le Disciple, par M. Paul Bourget, Paris, 1889 ; A. Lemerre.

Les idées agissent-elles, ou n’agissent-elles pas, sur les mœurs ? Un poète, un auteur dramatique, un romancier surtout (qu’on lit et qu’on relit), un philosophe, un savant même, ne doivent-ils pas se regarder comme ayant un peu charge d’âmes ? Les « vérités » qu’ils proclament, — qui ne sont trop souvent que les erreurs de la veille ou les préjugés du lendemain, — peuvent-ils les mettre à si haut prix que de n’avoir égard, en les répandant, ni au scandale qu’elles soulèveront, ni à ce qu’elles ébranlent d’autres « vérités » peut-être, ni aux conséquences qui en sortiront ? Ils n’écrivent, disent-ils, que pour eux-mêmes et pour quelques lecteurs triés… Mais, à travers l’espace et le temps, si leurs doctrines, une fois jetées dans le monde, y vivent, s’y développent, font enfin des disciples parmi cette foule obscure à laquelle, quoi qu’ils en disent, ils demandent au moins l’hommage de son admiration, n’en seront-ils pas tenus à bon droit pour comptables, responsables, et au besoin coupables ? Leur sera-t-il permis alors de plaider l’innocence de leurs intentions ? Les laisserons-nous dire qu’on les a mal compris en suivant leurs leçons ; qu’ils ne les ont données que pour n’être pas appliquées ; et qu’en démontrant, par exemple, que nous