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arrive dans son évêché vers la mi-décembre 1608. Avant d’y pénétrer, il s’arrête à Fontenay-le-Comte, ville assez importante du voisinage. Les habitans en étaient un peu glorieux et se piquaient de belles-lettres. Ils vinrent au-devant de l’évêque. Celui-ci les harangua courtement, mais poliment. Il se félicite d’avoir son évêché proche d’une ville « qui était renommée pour avoir donné une infinité de beaux esprits à la France. » Il veut bien rechercher leur amitié, « toutes les sciences, comme disent les anciens, se tenant par la main, » et il se met de bon cœur à leur service si l’occasion se présente de leur être utile.

Les délégués du chapitre de Luçon étaient venus au-devant de leur évêque jusqu’à Fontenay. Avec ces messieurs, la situation était particulièrement délicate. Depuis si longtemps que le chapitre se plaignait de la famille de Richelieu, surtout depuis qu’un procès était engagé, il y avait eu bien des aigreurs de part et d’autre. L’évêque indiqua les choses d’un mot, voulut bien faire allusion à sa trop longue absence, et parut accepter sa part des torts.

Mais le lendemain, quand il fut tout à fait sur son terrain, à Luçon même, il le prit d’un peu plus haut, et s’il voulut bien convier les chanoines à ne faire avec lui qu’un seul cœur et qu’une seule âme (cor unum et anima una) pour le bon exemple et le bien du diocèse, il ne manqua pas de faire sentir ce qu’il y avait de généreux, de sa part, dans une pareille condescendance. Il accordait l’amnistie, « l’amnistie d’oubliance, » comme il disait ; mais il rappelait à ceux qui lui avaient été si « fort contraires » combien ils avaient manqué à l’homme que « Dieu avait rendu leur chef. »

Le peuple eut aussi sa petite part de l’éloquence épiscopale, et même les protestans ne furent pas oubliés : il y en avait un assez grand nombre à Luçon. Richelieu leur promit sa bienveillance et les assura que « tout en étant désuni de croyance, on pouvait être uni d’affection. »

En somme, c’était un fort bon début, digne, grave et conciliant. Le 21 décembre 1608, jour de la fête de saint Jacques, lorsque le nouvel et jeune évêque célébra pontificalement la messe d’inauguration dans sa cathédrale depuis si longtemps abandonnée, il dut y avoir chez tous les assistans un mouvement de joie, et l’évêque, en particulier, dut ressentir pleinement la satisfaction d’avoir su faire si à propos et si élégamment son devoir.

Cette satisfaction, l’histoire la partage. Il est bon, en effet, de voir un homme que tant de raisons diverses portaient vers les hautes ambitions, qui les avait toutes, mais qui réfléchissait aux meilleurs et aux plus solides moyens de les satisfaire, de voir cet homme reconnaître, de lui-même, que le parti le plus honorable et le plus digne est, en même temps, le plus avantageux et le plus