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hauteur du chapeau, la frisure des plumes, la longueur du manteau, l’empesé des fraises et du collet.

Le marquis de Chillou prit un grand plaisir à ces exercices. Fils de soldat, cadet, destiné par sa naissance, par son peu de fortune, à devenir un de ces « gens de main » qu’il désigne lui-même comme l’honneur et l’élite de la noblesse française, il embrassait, avec l’ardeur qu’il mettait en toutes choses, des exercices et des études qui devaient faire de lui un homme.

Toute sa vie, il conserva le pli que cette éducation lui donna. Il aima toujours les choses de la guerre. Une estampe de Callot le représente devant La Rochelle, à cheval, la robe relevée, les jambes bottées, l’épée à la main. Les contemporains se moquaient de cet accoutrement. Il en paraissait, lui, tout au contraire, fort satisfait. Il n’eut jamais rien du séminariste. Sous le prêtre, on retrouve toujours on lui le soldat.


Un enchaînement de circonstances qui marque bien le caractère du temps changea soudain, et du tout au tout, la carrière d’Armand-Jean du Plessis. Dès l’année 1584, et peut-être quelque temps auparavant, Henri III, voulant gratifier le grand-prévôt, lui avait accordé la disposition de l’évêché de Luçon. L’argent manquait dans les caisses de la royauté ; elle avait trouvé ce moyen de battre monnaie et de récompenser ses serviteurs. Pour les abbayes et les bénéfices réguliers, cette façon d’agir était tout à fait entrée dans les mœurs ; pour les bénéfices séculiers, et surtout pour les évêchés, la chose était plus rare et avait véritablement un caractère scandaleux, simoniaque.

Le grand-prévôt, et, après sa mort, sa veuve, n’en jouissaient pas moins des revenus consistoriaux de Luçon, par l’intermédiaire d’administrateurs qui portaient le titre et touchaient les revenus. Pendant près de cinquante ans, l’évêché se transmit ainsi, au gré de la famille.

Le premier de ces évêques confidentiaires fut René de Salla, puis vint Jacques du Plessis de Richelieu, qui, quoiqu’il eût pris les ordres, ne fut qu’un prête-nom et ne résida jamais. Un certain François Y ver, curé de Braye, d’une famille très dévouée aux Du Plessis, reçut le titre d’évêque de Luçon. En l’année 1592. Dès cette époque, on disait que l’un des fils de Mme de Richelieu serait effectivement évêque et qu’Yver administrait seulement pour, le temps où ces « messieurs étaient aux universités. »

Cependant les chanoines de Luçon supportaient très mal de tels procédés. A la rigueur, ils se seraient passés d’évêque. Mais l’administrateur, qui prélevait les rentes avec une exactitude