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grammaire et sa philosophie, en souvenir de quoi il y fonda, en 1638, une chaire de controverse théologique. Le même écrivain rapporte qu’en 1597, sous le troisième rectorat de Jean Yon, le jeune Armand du Plessis, en costume d’enfant de chœur, accompagna ce même Yon qui conduisait la procession des membres de l’Université au tombeau de saint Denis. Ce souvenir, parait-il, resta gravé dans la mémoire du futur cardinal. Quand, par la suite, l’Université envoyait une délégation auprès de lui, on y joignait toujours le vénérable Yon. C’était, dit de Launay, un homme de conduite honnête, de maintien sérieux, de tenue soignée : il eût fait bonne figure dans un sénat, mais il préféra le repos et la lecture de Cicéron, dont il faisait ses délices. Richelieu le voyait avec plaisir, le recevait avec bonne grâce et lui rappelait le souvenir de la cérémonie à laquelle ils avaient pris part. Il ajoutait en souriant qu’il ne voyait pas entrer son ancien maître sans éprouver encore un sentiment de respect et de crainte, — preuve, ajoute judicieusement l’écrivain, — que la discipline sévissait au collège de Navarre.

Cette discipline ne fut pas toujours supportée d’une âme égale par le jeune Du Plessis. Il était vif, bouillant, impatient du joug. On tirait tout de lui par les louanges et les récompenses. Mais on employait en vain les menaces et la crainte. L’historien de son enfance, Michel de Pure, trouve des traits qu’il faudrait citer dans leur latin pour dépeindre la promptitude de cet esprit, la violence, la colère de ses ambitions et de son émulation enfantine : « Il avait une soif de la louange et une crainte du blâme qui suffisaient pour le tenir en haleine. Il avala comme d’un trait toutes ses études de grammaire et bientôt il brilla d’un éclat subit. Ce que les autres enfans l’ont en enfant, lui, il le fit avec méthode ; il était conscient de tout ce qu’il disait et faisait. Si on l’interrogeait, il savait, avant de répondre et par des questions embarrassantes, prévenir les questions suivantes. Et l’on ne peut dire enfin les admirables dons d’un esprit vraiment beau qui apparaissaient, et jaillissaient sans cesse en étincelles éblouissantes. »

Devenu plus grand, ce caractère vif, indomptable, se déploya dans l’exubérance de la jeunesse. Il était grand, maigre, beau, la figure fine, les yeux aigus. Une flamme brillait en lui. On le sentait propre à tout, mais, quelque carrière qu’il embrassât, apte aux grandes choses. — « Son audace, dit encore le biographe, était supérieure à ses forces, mais non à son génie. » Il se montrait tenace, et dans les luttes du collège, il ne savait ni pardonner ni oublier.

Ce tempérament le portait vers les choses de la guerre. Quand les études touchèrent à leur fin, Suzanne de La Porte rassembla un conseil de famille pour se décharger du poids de la responsabilité