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sans doute rien d’irrémédiable, qui ne reste pas moins laborieuse, difficile, chargée d’obscurités. La discussion sur les affaires religieuses, sur les lois scolaires, qui a mis en présence toutes les politiques, M. Jules Ferry et M. le comte de Mun, M. Clemenceau et M. Ribot, cette discussion a eu du moins cette utilité de resserrer, de préciser une question aussi douloureuse que délicate, de dire le dernier mot des partis. On a beaucoup parlé, on a tout dit à propos de ce budget de l’instruction publique. Au fond, ces débats passionnés, bruyans, souvent éloquens, n’ont fait que mettre une fois de plus en relief tous ces traits des républicains d’aujourd’hui qui ont si singulièrement compromis la république : l’infatuation, l’obstination impénitente dans la politique de secte, la prétention de tout subordonner à un intérêt de parti et de domination. Puisque ce beau mot de paix religieuse a rempli ces débats, puisque M. Jules Ferry, qui a pris l’initiative des explications et a provoqué cette discussion, a prononcé lui-même le mot, il faut bien cependant qu’on sente qu’il y a dans le pays un malaise profond, une lassitude croissante de tous ces systèmes ruineux et persécuteurs. Pourquoi donc ne pas l’avouer ? Lorsqu’il y a quelques mois, M. Challemel-Lacour décrivait d’un trait si ferme la situation, la sincérité courageuse avec laquelle il avouait qu’il y avait eu des fautes, des entraînemens, était le gage d’un retour salutaire, le programme d’une politique nouvelle. M. Jules Ferry, lui, ne convient de rien, n’avoue rien. Il se rattache plus que jamais à la politique qui a fait l’article 7, les décrets et les laïcisations à outrance, qui a mis un milliard dans les écoles et le trouble dans les consciences. Il reprend tout, il maintient tout, et puis, — se tournant vers les conservateurs, — il leur dit tout bonnement : Faisons la paix ! Et il s’expose naturellement à ce qu’on lui réponde : Ce que vous nous proposez, ce n’est pas la paix, c’est la soumission, c’est la sanction de tout ce que vous avez fait, c’est la guerre, — que M. Clemenceau avoue crûment, que vous dissimulez sous de vains artifices de parole !

Est-ce donc qu’on doive toujours tourner dans ce cercle ? La paix n’a certainement rien d’impossible. Lorsque récemment Mgr l’archevêque de Paris, élevé au cardinalat, publiait un mandement où éclate un sentiment si juste de tolérance libérale et de conciliation ; lorsque ces jours derniers, M. le président de la république, remettant la barrette aux nouveaux cardinaux, a parlé avec une parfaite modération et a tenu à rétablir une cérémonie religieuse qui avait été supprimée ; lorsque M. de Mun lui-même, avec son éloquence à la fois ardente et mesurée, n’a point hésité à avouer que la paix était possible, mais avec d’autres hommes que ceux qui ont fait la guerre et qui la maintiennent ; lorsque de toutes parts enfin, se manifeste l’impatience d’en finir avec les violences de secte, est-ce qu’il n’y a pas là tous les élémens d’une situation nouvelle, d’une pacification qui est dans le vœu du pays, dans l’intérêt des