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dans leur inconséquence. En réalité, toute leur politique, depuis quelque temps, se réduit à se servir des plus vieilles armes de tous ces régimes du passé qu’ils ne cessent de diffamer, — avec cette différence toutefois que ce qu’ils font est le désaveu de toutes leurs déclamations, des traditions républicaines. Ils ont fait, il est vrai, par une sorte d’ostentation, des lois sur la presse qui laissent effectivement une grande liberté et même plus que la liberté, qui affaiblissent toutes les garanties sociales et morales ; mais ces lois, ils les corrigent dans la pratique par un arbitraire administratif assez universel. Qui donc plus que les satisfaits de la république a usé et abusé de la raison d’état, des moyens discrétionnaires, des mesures de police, des pressions d’administration et même des justices exceptionnelles ? Certainement l’empire ne s’est interdit aucun moyen d’action électorale ; il est douteux cependant qu’il y ait dans ses archives des circulaires comme celles qui ont été récemment publiées, qui enrégimentent tous les employés sous les ordres des préfets, sans laisser même à ces malheureux fonctionnaires la liberté infime de leur opinion, le droit de rester en dehors des luttes de parti. Chose curieuse ! il y a quelques années déjà, un ministre des finances adressait, lui aussi, à ses agens une circulaire à la veille des élections : tout ce qu’il demandait à ses employés, c’était, non pas leur concours actif, mais le respect du gouvernement, la réserve, la fidélité professionnelle. Ce ministre était M. Carnot aujourd’hui président de la république. Ce que M. Carnot écrivait est démenti par les dernières circulaires ; nous avons depuis quelques années fait du chemin ! — Mais enfin, dira-t-on, il faut bien se défendre ; rien de plus simple que de se servir des armes dont on dispose, d’imposer l’obéissance électorale aux employés, de faire sentir le poids de la loi et de l’autorité publique aux ennemis du gouvernement et de favoriser ses amis. Fort bien ! Mais alors quelle était la sincérité de toutes les déclamations républicaines contre d’autres régimes qui ne sont pas allés jusqu’à cette crudité ou cette hardiesse de procédés ? Qu’en reste-t-il désormais ? La vérité est que les républicains d’aujourd’hui ne se font malheureusement pas une idée plus juste de l’action régulière d’un gouvernement que de l’inviolabilité des garanties libérales, qu’après avoir tout confondu, ils ne savent plus comment rassurer le pays sur ces deux grands intérêts récemment discutés : les finances et la paix religieuse.

On a bien senti la nécessité de s’expliquer une dernière fois, à la veille des élections, devant le pays, sur ces deux points sensibles, l’état des finances, la direction des affaires religieuses, — et, assurément, la double discussion qui s’est récemment engagée au Palais-Bourbon a été aussi instructive que brillante. Qu’en sera-t-il de plus ? La discussion sur les finances, quels que soient les artifices des orateurs officiels, ne change point évidemment la réalité d’une situation qui n’a