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enfans de Dieu. « Vous n’êtes pas des fils de servitude, » a dit saint Paul. — « Que l’égalité s’établisse, » écrivait le même apôtre aux Corinthiens. — « Vous êtes des frères, tous membres du même corps, » a dit le Sauveur. L’idée d’une réforme sociale embrassant tous les hommes, les appelant tous à s’asseoir autour de la même table, est une idée évangélique. En ce sens, la Révolution n’est qu’un effort pour appliquer aux sociétés les maximes de l’Évangile. L’Évangile est le manuel de la saine démocratie. « Soyez bons chrétiens, et vous serez bons démocrates, » disait le futur pape Pie VII, alors évêque d’Imola, à ses ouailles des Romagnes. Des jacobins ont osé imprimer que Jésus était un sans-culotte. Leur blasphème cachait une vérité : Jésus, le fils du charpentier, est venu relever les humbles, les petits, les opprimés. Quand Robespierre déclarait à la Convention que la morale prêchée par le Christ était analogue aux principes de la Révolution, quand il vantait « la doctrine sublime de vertu- et d’égalité enseignée par le fils de Marie, » Robespierre rendait hommage à la vérité. On l’a dit, la Révolution n’est que de l’Evangile aigri.

« L’Église, par sa constitution même, offrait au monde le modèle d’une cité idéale, d’une société parfaite, fondée uniquement sur la raison et la justice, où les plus hautes dignités sont accessibles aux plus petits, sans distinction de fortune, de caste, de nation ; universelle et sainte république où le principe électif s’est perpétué, où les chefs ne sont que des serviteurs, où les conciles présentent le type achevé des assemblées délibérantes. Et ce que l’Eglise pratiquait pour son propre gouvernement, ses docteurs l’avaient souvent conseillé pour le gouvernement des sociétés humaines. Quand elle enseigne que toute puissance vient de Dieu : Non est potestas nisi a Deo, l’Église entend que l’homme, en tant qu’homme, n’a pas le droit de commander à l’homme. S’ils montrent en Dieu la source de la souveraineté, ses théologiens ont maintes fois professé que le peuple en était le canal. Souveraineté du peuple, contrat, ou, comme ils disent, pacte social, démocratie, droit de déposer les souverains, on retrouverait, chez nos scolastiques, tous les soi-disant principes de 1789 ; moins les sophismes qui en ont fait des erreurs. Saint Thomas ne craint pas d’affirmer que tous doivent avoir quelque part au gouvernement, ut omnes aliquam partem habeant in principatu. Il va jusqu’à admettre le droit d’insurrection contre le tyran infidèle au pacte qui le lie à son peuple. Nos jésuites espagnols, Suarez en tête, établissent que la puissance civile réside dans la communauté ; que, pour qu’elle soit légitimement transmise à un homme, il faut le consentement de la communauté. Beaucoup de ces idées regardées comme nouvelles étaient, au moyen âge, des lieux-communs ; ainsi, en