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missionnaires refusaient d’obtempérer à la loi, on les traîna en prison, d’où ils ne sortirent que deux années plus tard, en renonçant formellement à établir désormais leur résidence parmi les Peaux-Rouges. Pourtant, traqués de toutes parts par les particuliers, les Cherokees consentirent, en 1836, à émigrer sur la rive droite du Mississipi.

L’État de l’Alabama traita les Creeks d’une façon analogue, et ces violences motivèrent une guerre véritable, dans laquelle les Indiens dépossédés luttèrent avec le courage du désespoir.

Ajoutons, à la louange du gouvernement fédéral, que l’autorité supérieure, obligée de laisser aux différens États, dans ces circonstances, la large autonomie que leur assure la constitution, ne ratifia jamais ces spoliations. Il se rappelait les paroles généreuses que prononçait, quelques années auparavant, le président Adams : « La lutte que nous soutenons contre les Indiens n’a pas d’autre cause que notre injustice même sanctionnant les mesures iniques prises par l’Alabama et la Géorgie. L’administration actuelle n’agit-elle pas à l’inverse de celles qui l’ont précédée ? Celles-ci s’appliquaient, avec la plus vive sollicitude, à la civilisation des Indiens, à la culture de leur esprit, à l’adoucissement de leurs passions ; elles réglaient leurs appétits, cherchaient à les fixer au sol par l’agriculture, à les initier aux joies et au bien-être du foyer domestique. Aujourd’hui, vous essayez, par la violence ou par des simulacres de traités, de les expulser de la terre qu’ils foulent, pour les cantonner au-delà du Mississipi, de l’Arkansas, du Missouri et jusqu’aux contins du Mexique. Vous les bercez de l’espoir mensonger qu’ils trouveront dans ce lieu d’exil un asile inviolable, un abri contre votre rapacité et vos persécutions. Dans l’exécution de ces impitoyables rigueurs, vous rencontrez la résistance que des hommes ainsi poussés à bout peuvent opposer : c’est l’agonie d’un peuple arraché à la terre où sont ensevelis ses pères ; c’est la dernière convulsion du désespoir ! »

Ainsi, les exactions dont se plaignaient ces infortunés, les persécutions auxquelles ils lurent en butte, doivent être imputées plutôt à l’administration locale et à leurs voisins immédiats qu’au gouvernement fédéral lui-même.

Cependant, les résistances tombèrent. Faut-il attribuer ce succès à l’éloquence persuasive des agens ? Les Peaux-Rouges estimèrent-ils que le gouvernement payait assez largement le déplacement qu’il leur demandait ? Les hommes d’état de la Géorgie et de l’Alabama les décidèrent-ils à s’expatrier par leurs continuelles vexations ? Il paraît difficile de déterminer le motif de ce changement subit. Toujours est-il que l’émigration commença. Les Séminoles