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honneur ; après les batailles, de lui immoler les prisonniers de guerre ; et, dans les grandes fêtes, de lui consacrer des épis de maïs.

Comme presque tous les peuples connus, les Peaux-Rouges ont des notions assez précises sur le déluge. Suivant la loi commune, leur tradition est appropriée à leur manière de vivre, et accommodée à leurs habitudes. La voici, en substance. Les tribus cuivrées périssent dans les forêts envahies par les eaux, sauf quelques privilégiés qui parviennent à échapper au désastre, à l’aide de leurs pirogues. Ils ont pourtant grand’peine à se maintenir à flot et ne cessent de vider l’eau qui tombe du ciel en cataractes. Mais ce n’est pas tout : des castors s’accrochent aux barques, en rongent les flancs et déterminent des voies d’eau qui entraînent leur submersion. Une seule pirogue réussit à braver ces ennemis redoutables. Quand la tempête se fut apaisée, il en sortit une famille qui repeupla la terre, cette terre que les castors avaient reconstituée, en pétrissant de l’argile.

Ces animaux, si nombreux dans la partie septentrionale des États-Unis, jouent un grand rôle dans les croyances primitives des peuplades rouges. D’après une légende, ces rongeurs enseignèrent l’art de la construction aux ancêtres des Osages et cette tribu naquit de l’union de la fille d’un de ces mammifères aquatiques avec le premier homme, sorti lui-même d’une coquille marine. Aussi, de tout temps, les castors ont-ils joui parmi eux d’une profonde vénération. La peuplade suivait leurs travaux avec un intérêt mêlé de respect ; loin de chercher à pourchasser et à détruire ces architectes industrieux, elle les défendait au besoin et fondait à leur image une société basée sur la liberté individuelle et l’égalité absolue. Elle édifiait au bord des lacs des huttes arrondies et les villages contigus d’Osages et de castors vivaient dans la meilleure intelligence.


II

Les hommes rouges combattirent successivement différens maîtres, Espagnols, Hollandais, Anglais et Américains. Lorsque les Hollandais débarquèrent au commencement du XVIIe siècle sur l’île de Manhattan, où ils devaient fonder la Nouvelle-Amsterdam, le territoire des États-Unis était occupé par une multitude de tribus, dont la vallée du Mississipi représentait le centre principal. La première place, parmi ces populations, revient aux Iroquois, créateurs d’une véritable civilisation et qui surent, pendant trois siècles, résister à l’anéantissement, bien que leurs chefs, privés de moyens de coercition, ne fussent investis que d’une autorité toute nominale.