Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 93.djvu/714

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se met avec la chambre contre le sénat. M. Bardoux, dans un sentiment de prévoyance patriotique, a demandé une exemption en faveur des novices des congrégations religieuses qui se vouent à l’enseignement dans nos écoles du Levant et sont les propagateurs de notre langue. Rien n’était plus justifié à cette heure même où l’influence française est attaquée, cernée de toutes parts, et si l’amendement de M. Bardoux devait trouver un défenseur naturel, c’était, certes, M. le ministre des affaires étrangères. Pas du tout, c’est au contraire M. le ministre des affaires étrangères, qui, sans y être obligé, on ne sait pourquoi, est intervenu contre ces modestes et utiles serviteurs de la France que M. Bardoux a voulu laisser à leur mission. M. le ministre des affaires étrangères, il est vrai, peut-être sans y songer, s’est condamné lui-même en avouant que, s’il restait dans son devoir diplomatique, s’il n’avait « à envisager que les intérêts politiques de la France dans l’Extrême-Orient, en Syrie et en Afrique, » il serait embarrassé. L’aveu est vraiment naïf et pour le moins imprévu ; mais alors de quoi donc est occupé M. le ministre des affaires étrangères ? Il semblerait résulter de son langage qu’il peut oublier ce qui se passe en Orient, les difficultés que rencontre l’influence française, pour ne se souvenir que de ce qui se passe au palais Bourbon outre radicaux et opportunistes.

Voilà qui est rassurant pour nos intérêts extérieurs ! Le Sénat a, fort heureusement, pris sous sa protection les cliens de M. Bardoux, un leur accordant l’exemption demandée pour eux ; il a ajouté une atténuation à quelques autres atténuations, et il a fini par voter une loi qui, sans être bonne, est moins mauvaise que celle qu’il avait reçue du palais Bourbon, dont la chambre, à son tour, fera maintenant ce qu’elle voudra, qu’elle renverra peut-être encore une fois au Luxembourg. Étrange situation, où l’impuissance des pouvoirs publics eu conflit peut seule arrêter aujourd’hui au passage une loi qui n’est certainement faite ni pour garantir notre puissance militaire, ni pour rassurer les consciences troublées, ni pour inspirer confiance à l’opinion française !

Est-ce par le budget, par une politique réparatrice dans les finances, que les républicains radicaux et opportunistes de la chambre comptent se recommander devant le prochain scrutin et ramoner le pays ? Ici c’est une vraie bataille, une bataille étourdissante de millions tourbillonnant dans une discussion où sont entrés tour à tour les orateurs les plus divers de l’opposition et du gouvernement : M. Amagat avec un vigoureux et redoutable esprit d’analyse, M. Keller avec une sévère droiture, M. d’Aillières avec une sûreté habile, le rapporteur général du budget, M. Budeau, le ministre des finances M. Bouvier, avec toutes les complaisances de l’optimisme officiel. On sent que les uns et les autres font leurs comptes devant le pays qui jugera, non sans être obligé d’abord de payer. Malheureusement, M. Amaqat. M. Keller ont