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encore écrit ; et, d’ouvrage de talent sur cette matière de la religion, il n’y avait que le livre d’Arnauld sur la Fréquente Communion. Notons encore que le droit, dont on voulut ensuite que le jeune homme essayai, pour en faire un commis au greffe, ou quelque chose d’approchant, ne lui plut guère davantage. Cependant, comme il fallait vivre, il se fit recevoir avocat, et même on conte qu’il plaida. Mais, sur ces entrefaites, en 1657, la mort de son père l’ayant mis en possession d’une petite fortune de 12,000 écus, — c’en serait aujourd’hui plus du double, — il abandonna le barreau comme il avait fait la Sorbonne, et, libre désormais de ses goûts et de sa personne, il suivit son caprice, qui était de rimer. Les premières pièces qu’il laissa courir se glissèrent dans un recueil dont le titre n’inviterait guère à y chercher le futur ennemi des précieuses : c’était le Sonnet sur la mort d’une parente, et les Stances sur l’Ecole des femmes, imprimés dans les Délices de la poésie galante des plus célèbres auteurs de ce temps, en 1663, chez le libraire Ribou. Mais quelques-unes de ses satires étaient déjà composées, et la plus ancienne même depuis trois ou quatre ans, cinq ans peut-être. Elles parurent, précédées du Discours au roi'', chez Barbin, en 1666, au nombre de sept. Les huitième et neuvième, sur l’Homme et à son Esprit, précédées du Discours sur la satire, ne virent le jour que deux ans plus tard.

Depuis les Provinciales, dix ans auparavant, — et si l’on excepte toutefois les Précieuses ridicules et l’Ecole des femmes, qui sont à part, — aucun ouvrage, de vers ou de prose, n’avait fait plus de bruit, suscité plus d’ennemis à son audacieux auteur, ni, en revanche, et dans un autre genre que les « Petites lettres, » opéré plus et de plus brusques conversions. Pour s’en rendre compte, il suffit de rappeler ici quels grands hommes étaient à la mode vers 1660, et quels livres lisaient les dames dans les ruelles du temps. A l’hôtel de Bourgogne, chez les « grands comédiens. » on jouait le Stilicon de Thomas Corneille, la Stratonice de Quinault, le Démétrius de l’abbé Boyer ; et Molière même, sur son propre théâtre, quand il voulait donner la tragédie, en était réduit à la Zénobie de M. Magnon. Connaissez-vous encore l’Ostorius de l’abbé de Pure ? Pour le grand Corneille, j’aime mieux n’en rien dire que de rappeler où il en était. Cependant, les romans de La Calprenède, Cassandre, Cléopâtre, Faramond, et ceux de Madeleine de Scudéri, cette « illustre fille, » Ibrahim, Cyrus, Clélie, se faisaient suivre avidement jusqu’au dixième, jusqu’au douzième volume. Mariés ensemble en la personne d’Anne d’Autriche et de Mazarin, le faux goût italien et la grandiloquence espagnole dominaient à la cour. Que si d’ailleurs on était