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déplacement saisi sur le vif pour ôter à l’armure plate, enserrant pudiquement le corps de la pucelle comme une gaine, et sa rigidité et sa froideur. M. Paul Dubois, qui a étudié l’habillement de son héroïne avec la même conscience archéologique que M. Fremiet, cache sa science avec plus de résolution ; dans le harnachement du cheval, comme dans l’équipement de la guerrière, il a évité, avec le plus grand soin, tout ornement trop étrange, toute saillie trop forte, toute découpure trop vive, qui aurait pu distraire l’esprit du mouvement d’ensemble et de l’expression générale. Malgré la beauté de la bête, des armes, de l’attitude, du geste, c’est donc bien en haut que l’œil, montant sans effort ni arrêt le long de toutes ces surfaces souples et calmes, se sont vraiment porté et qu’il va se fixer enfin sur le visage, un visage à la fois irrégulier et charmant, plébéien et distingué, candide et intelligent, extatique et volontaire, modestement enserré dans un casque plat sans cimier et, sans panache, comme un doux visage de nonne héroïque dans sa coiffe. Ce mélange de hardiesse et d’innocence, de douceur et d’énergie, de naïveté et de bon sons, de piété et de sens pratique, qui nous déconcerte chez Jeanne d’Arc, a été exprimé par l’artiste avec une simplicité et une force tout à fait supérieures.

Le haut-relief de l’Espérance, par M. Chapu, doit-il faire partie d’un monument funéraire ? On y voit, de profil, une grande femme, assise sous une niche, largement drapée, qui rappelle, par l’attitude et par le style, la célèbre figure de la Pensée sculptée pour le tombeau de Mme d Agoult. Les deux figures de la Douleur et de la Gloire, modelées par M. Mercié, sont destinées au tombeau de Paul Baudry, dont l’architecture a été faite par son frère. Le monument se compose d’un sarcophage appliqué contre une muraille et surmonté d’un piédouche portant le buste du peintre, que la Gloire vient couronner. Cette Gloire, figure volante, en haut-relief, engagée dans la paroi, semble empruntée au plafond de la cour de cassation. M. Mercié a pris à cœur de faire couronner l’artiste par une de ses créations favorites ; il s’est donc complu à reproduire, avec son habileté connue, toutes les particularités du style décoratif de Baudry, l’élégance délicate des extrémités, la tristesse gracieuse de la physionomie, les chiffonnemens multipliés des draperies légères. La Douleur, figure en ronde bosse, debout, en bas, sur les degrés de l’édicule, s’appuie en pleurant sur le sarcophage. Ici, M. Mercié est redevenu lui-même. Cette grande femme, tout enveloppée, comme perdue dans un immense manteau, laisse à peine voir un bout de son visage caché dans ses mains ; maison sent, sous le fardeau des étoiles qui la couvrent, un tel