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du général Margueritte, mal composé, contient quelques morceaux d’une énergie peu commune. C’est, dans les grandes dimensions, le meilleur tableau militaire du Salon avec l’épisode de la Bataille de Frœschwiller par M. Moreau de Tours.

Les tableaux historiques, dans des cadres plus modestes, ne manquent pas non plus. Pour le moyen âge, nous avons M. J.-P. Laurens qui, avec ses Hommes du Saint-Office, compulsant des papiers dans une salle voûtée, a fait, dans une gamine blanche et claire, un de ses meilleurs tableaux, tant pour l’expression des figures que pour la souplesse de la peinture ; M. Rochegrosse, dont le dilettantisme archéologique se donne libre carrière dans cette scène tragique du Bal des Ardens, où le jeune Charles VI, sauvé à grand’peine par la présence d’esprit de la duchesse de Berry, commença de perdre la raison ; pour le XVIIIe siècle, M. Pille, avec son Bourgmestre, entouré de bouquins ; pour l’antiquité judaïque. M. Ary Renan, dont le Jacob et Rachel, dans un paysage de la Mer-Morte, est d’une poésie délicate et nouvelle. Suivant l’habitude, nous avons nombre d’épisodes, tristes ou cruels, empruntés aux guerres de la chouannerie. C’est sans doute à la beauté grandiose de ses sites que la Bretagne, plus facilement explorée, doit le douloureux privilège d’alimenter ainsi l’inspiration de nos peintres militaires. Il serait grand temps, ce nous semble, de mettre un terme à cet étalage périodique de pénibles souvenirs ; notre histoire nationale, avant, pendant et après la révolution, contient assez de nobles faits d’armes, qu’on pourrait nous rappeler utilement, sans qu’il faille sans cesse nous remettre sous les yeux, comme un excitant à des discordes nouvelles, ce lamentable spectacle de nos guerres civiles dans lesquelles il y eut de part et d’autre d’admirables sacrifices et d’effroyables sauvageries, mais dans lesquelles aussi s’amoindrissait le sentiment de la patrie. Ceci soit dit sans aucune pensée de méconnaître le réel talent de M. Le Blant, qui, l’un des premiers, nous a intéressés aux Bretons insurgés et qui, dans sa Prise d’armes en Bretagne, ne nous montre, de cette lutte fratricide, que l’aspect fervent et religieux, non plus que celui de ses imitateurs, MM. Bloch, Berteaux, Grolleron, Outin, Dupain, etc. ; mais nous croyons correspondre au sentiment public en disant : « C’est assez, » tant aux bleus qu’aux blancs, tant aux blancs qu’aux bleus !

Quelques bons portraits nous reposeront les yeux de ces scènes sanglantes. Ceux d’une dame âgée et d’une jeune femme en blanc, Mme D. A…, par Cabanel, le dernier inachevé, mais d’une préparation exquise, font comprendre l’étendue de la perte qu’a faite notre école en ce maître expérimenté. Le Portrait de Mme de T…, par