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neuf, et M. Emile Lévy a rendu la scène agréable, avec son talent habituel, par le soin du dessin et l’élégance du détail.

Les autres grands prêtres ou diacres du temple de l’éternelle Aphrodite qui veulent encore lui rendre un culte en cherchent l’occasion dans la mythologie ou dans la poésie ; quelques-uns n’ont besoin d’aucun prétexte. M. Bouguereau, dans son Amour enlevant Psyché, se montre toujours le facile, élégant et correct exécutant que l’on sait. M. Falguière a manqué quelque peu de respect à la vénérable Junon en nous la présentant, avec une physionomie si peu conjugale, dans une décoration d’une harmonie fraîche et vive, mais à peine ébauchée. La Madeleine de M. T. Robert-Fleury ne semble pas avoir encore beaucoup souffert, dans sa grotte, du jeûne ni des intempéries ; elle est fraîche, en bon point, fort proprette ; c’est, depuis longtemps, l’habitude de ces belles pénitentes de conserver, dans leurs retraites, les usages de leur monde. Les peintres de la Renaissance nous ont accoutumés à leur demander moins de douleur que de grâces, moins de repentir que d’attraits. M. Tony Robert-Fleury est resté fidèle à cette tradition. Il y a des recherches délicates, des morceaux soignés, un talent réel, dans le Coin d’atelier de M. Giacomotti, la Rêverie de M. Emmanuel Benner, la Cypris de M. Guillaume Dubufe, le Satyre aux abois de M. Priou, le Lever de M. Lematte, le Printemps de M. Pascal Blanchard, les Deux perles de M. Le Quesne, et surtout l’Abel de M. Verdier, une étude consciencieuse et distinguée. On ne saurait se montrer indifférent pour les tentatives plus importantes faites par MM. Henri Delacroix et Deully. Il y a longtemps que M. Henri Delacroix, qui s’appelle aussi Eugène, lutte, avec le plus honorable courage, contre la fatalité d’un nom difficile à porter. Le Salut au soleil marque, chez lui, un certain progrès. Quelques-unes des nymphes qui, réveillées par le jour, se dressent sur la grève, pour le saluer, sont exécutées avec entrain, sinon avec précision, et le mouvement général de la scène, tout enveloppée d’une lumière vive, est d’un caractère assez décoratif. Un épisode de l’enfer dantesque, le Deuxième cercle, est traité par M. Prouvé avec une agitation confuse qui marque un certain mouvement d’imagination. M. Prouvé cherche encore sa voie ; depuis ses débuts, où il pensait à Delacroix, il a passé par d’autres imitations, mais il cherche avec conscience ; nous ne serions pas surpris que, de tous ces tâtonnemens préparatoires, sortît un véritable artiste. Les Tourmens de saint Jérôme, par M. Deully, ont aussi frappé tous ceux qui s’intéressent encore à l’art difficile. Ces tourmens de saint Jérôme, agenouillé et priant dans son désert, sont ceux de son prédécesseur, saint Antoine. Le sujet est présenté sans artifice,