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Francfort et que depuis un an elle ne cessait d’invoquer. Le comte de Brandebourg déclarait en outre ne pas s’opposer à une intervention militaire de l’Autriche et de ses alliés en Hesse, et il se disait prêt à traiter avec eux, dans des conférences libres, toutes les questions pendantes; il eût été difficile de se montrer plus accommodant.

Le roi était mortifié sans doute des sacrifices qu’on lui imposait, mais il échappait à la guerre, rompait avec la révolution et revenait aux vrais principes : sa conscience était satisfaite. Tout marchait au gré de ses vœux, l’entente qu’il souhaitait ardemment paraissait assurée, lorsque le comte de Brandebourg mourut subitement. Le tableau changea aussitôt, de pacifique le roi redevint belliqueux. La mort si soudaine de son ministre n’était-elle pas un indice céleste! Dieu évidemment réprouvait le sacrifice du général de Radowitz, et son devoir était tout tracé par les décrets de la providence, ils lui commandaient de reprendre son conseiller et de sauvegarder l’honneur prussien. Saisi d’un retour de patriotisme, d’un de ces élans généreux passagers comme l’inspiration, il pensa que son gouvernement devait se retremper dans les grandes entreprises, que sa mission était non pas de se subordonner à l’Autriche, mais bien de réaliser le rêve de l’Allemagne. — « Les rois de Prusse, disait-on, ont deux âmes dans leur politique qui s’entre-choquent comme les deus enfans dans le sein de Rebecca : le respect et la haine de la maison de Habsbourg.»

Frédéric-Guillaume revint au programme d’Erfurt que la veille il avait abjuré. « La Prusse, avait dit le général de Radowitz, le 29 avril 1849, devant le parlement séparatiste, ne met rien au-dessus de l’honneur et du droit ; elle aurait pu en 18448, dans des temps troublés, profiter de l’effarement des princes allemands pour leur extorquer des concessions; elle aurait pu aggraver la lutte que l’Autriche soutenait pour son existence ; elle a su résister à toutes les tentations, elle saura également résister à toutes les intimidations, directes ou indirectes. » C’est en s’inspirant de ce mâle langage que Frédéric-Guillaume, après avoir un instant abdiqué ses pensées ambitieuses, sous la pression de la Russie, brisait du jour au lendemain avec la conciliation et jetait le gant à l’Autriche.

Le 6 novembre, il décrétait la mobilisation de l’armée et de la Landwehr, convoquait les chambres el adressait un manifeste belliqueux à son peuple. C’était un alea jacta est. Toute nouvelle défaillance semblait impossible, une conflagration était imminente. Déjà les avant-gardes avaient échangé des coups de fusil à Bronzell sur les frontières électorales, lorsqu’on apprit que les Prussiens se repliaient subitement, la marche des Bavarois sur