Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 93.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actuelle se renversera graduellement, et au bout d’une période suffisamment prolongée, la Caisse des consignations se trouvera indemne. Ce procédé d’emprunt est ingénieux ; mais pour le pratiquer il faut avoir devant soi des prêteurs qui aient la vie dure et qui ne puissent débattre les conditions de leurs prêts. Il est à craindre qu’on ne soit tenté d’y recourir de nouveau. Si les auteurs d’amendemens qui ont demandé des augmentations de pension pour diverses catégories de retraités, au lieu de provoquer l’inscription au budget d’un surcroît de crédit, avaient proposé une nouvelle application du système adopté en 1881, peut-être auraient-ils eu gain de cause, parce que la chambre ne se serait rendu un compte exact ni de l’importance du capital à emprunter, ni de la durée du sacrifice à faire pour l’amortir : elle n’aurait considéré que le chiffre de l’annuité à servir.

Le gouvernement, d’ailleurs, ne va pas tarder à frapper à la porte de la Caisse des consignations. Il a décidé de se rendre maître des lignes téléphoniques et d’en faire un nouveau monopole, exploité au compte de l’état ; mais il faut d’abord exproprier les lignes existantes et trouver de l’argent pour payer les indemnités à prévoir. Cet argent serait demandé à la Caisse des consignations, dont le prêt serait amorti au moyen d’une annuité à inscrire au budget ordinaire. Ce serait encore une addition à la dette pour le capital à emprunter et aux charges budgétaires pour le service de l’amortissement. Il est également question de racheter le monopole de la fabrication des allumettes, et on serait conduit à l’emploi du même moyen pour payer les indemnités inévitables ; mais ce projet paraît moins avancé que le rachat des téléphones.


III.

Si on a bien voulu nous suivre dans le périple que nous venons d’accomplir autour du budget, nous prions qu’on fasse le relevé des engagemens de toute nature contractés par le gouvernement et dont nous avons essayé de traduire en chiffres les conséquences financières ; on se convaincra aisément que, loin de pouvoir espérer une diminution des charges publiques, il faut s’attendre à les voir grossir à très bref délai, de 150 millions et peut-être davantage. La chambre, dont l’agonie offre au pays un si lamentable spectacle, devra porter dans l’histoire la responsabilité d’avoir achevé, en pleine paix, de désorganiser nos finances ; mais la chambre qui recueillera ce triste héritage sera aux prises avec d’inextricables embarras. Par quelle voie lui sera-t-il possible d’en sortir ? Depuis trois ou quatre