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de retraites séparée. Ces caisses étaient médiocrement garnies et les ministres ou les directeurs généraux qui avaient la responsabilité de les gérer tenaient rigoureusement la main à l’observation de la règle qui voulait que des retraites nouvelles ne fussent accordées qu’en proportion et à mesure des vacances qui se produisaient. En 1853, on voulut établir un règlement uniforme pour toutes les administrations ; toutes les retenues durent être versées au trésor qui se chargea de servir directement toutes les retraites. Cette amalgamation recelait un danger qu’on aurait dû prévoir : toutes les pensions sortant d’une caisse commune, les administrations étaient dégagées du souci d’y pourvoir, et ne devaient plus se sentir tenues à la même réserve et aux mêmes précautions quant aux admissions à la retraite. Le législateur n’avait prévu qu’un inconvénient : c’était que les fonctionnaires ne cherchassent à jouir le plus tôt possible du bénéfice de la retraite ; et, en fixant comme conditions indispensables soixante ans d’âge et trente années de service, il eut soin de spécifier que la réunion de ces deux conditions ne suffisait pas pour mettre le fonctionnaire en droit de réclamer sa mise à la retraite. « L’État, disait l’exposé des motifs de la loi, peut conserver les fonctionnaires dans leurs fonctions aussi longtemps que son intérêt l’exige et que leurs forces le permettent. » C’était bien mal connaître la nature humaine que de supposer que des administrations, sans cesse sollicitées d’accorder des places ou de l’avancement, mettraient obstacle au départ de fonctionnaires qui voudraient se retirer.

Comme des catégories entières de fonctionnaires pour lesquels il n’existait pas antérieurement de retraites allaient être admises au bénéfice de la nouvelle législation, l’État reconnaissait qu’il devait subvenir à l’insuffisance du produit des retenues et prendre à sa charge le supplément nécessaire. En calculant d’après le nombre des ayans droit, on estimait que la charge maxima ne dépasserait pas 19 millions, et que ce chiffre ne serait atteint qu’en 1883, à la trentième année de l’application de la loi : il ne pourrait ensuite que décroître. Ces calculs étaient-ils aussi erronés qu’on le prétend ? En 1869, les pensions civiles exigèrent 28,930,534 francs sur lesquels 15,378,540 francs furent fournis par le produit des retenues et 13,551,994 par le trésor, soit moins de la moitié de la dépense. Ce dernier chiffre était le plus élevé qu’eût atteint la subvention qui pendant une douzaine d’années avait oscillé entre 9 et 11 millions. En 1876, la contribution de l’état dans le service des pensions civiles n’était encore, maigre la révolution de 1870, que de 16,497,121 francs ; mais dès 1878 le chiffre de 19 millions était dépassé de 3 millions 1/2 : 22,463,872 francs.

Cette date est à elle seule une explication. C’est alors que commencèrent