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où elle se trouvait d’évaluer avec précision le supplément de crédit qui aurait été nécessaire. La commission n’eût peut-être pas éprouvé cette hésitation, si elle avait pu mettre une ressource effective en face de ce surcroît de dépense. Le budget de la guerre présente une lacune plus grave. Bien que des lois votées dans le courant de 1888 aient autorisé la création de divers corps de troupes, tant à pied qu’à cheval, et que M. de Freycinet ait immédiatement mis à profit ces autorisations, il n’a été nullement tenu compte, dans les évaluations faites pour 1889, des augmentations d’effectif qui résulteront de ces créations. Le surcroît de dépense qu’elles entraîneront pour la solde, l’habillement et l’entretien des hommes peut s’élever jusqu’à 40 millions ; les calculs les plus optimistes ne le font pas descendre au-dessous de 25 millions. Il faudra de toute nécessité y pourvoir par un crédit supplémentaire. On serait donc en droit de dire que le budget de 1889 a cessé d’être en équilibre dès l’ouverture de l’exercice, si l’administration des finances ne pouvait, pour justifier sa confiance dans un règlement favorable, s’abriter derrière la perspective des plus-values qu’elle espère.

L’exercice 1887 a présenté un déficit définitif de 17,081,073 fr. qui devront être ajoutés à ce qu’on appelle, par euphémisme, les découverts du trésor. Au 31 décembre dernier, le budget ordinaire de 1888 n’était plus en déficit que de 6,480,000 francs grâce à une plus-value de 32,819,200 francs sur les prévisions de recettes, plus-value qui provenait beaucoup moins d’un progrès dans le rendement des impôts que du surcroît de charges imposé à l’industrie sucrière et des surtaxes établies à l’importation des céréales. Le produit de ces ressources nouvelles avait été évalué à 40 millions ; il n’a point justifié ces espérances ; néanmoins il a été suffisant pour compenser et au-delà les mécomptes donnés par le timbre et autres sources ordinaires de revenu. Il est possible que, lors du règlement définitif de l’exercice, qui ne pourra avoir lieu qu’après le 30 juin 1889, des annulations de crédits viennent atténuer ce déficit ou même le faire disparaître. Le ministre des finances en augure bien pour l’exercice 1889, dont les recettes ont été évaluées d’après les rendemens de 1887, et qui profitera plus encore que l’exercice 1888 des élémens nouveaux de produit créés depuis deux ans. Déjà, les recettes des deux premiers mois de 1889 présentent une certaine augmentation sur les évaluations ; mais il est indispensable que cette augmentation se maintienne pendant tout le cours de l’année, pour compenser les crédits supplémentaires dont l’ouverture, comme on vient de le voir, est inévitable.

Il nous est impossible de ne pas appeler l’attention sur un des expédiens auxquels le ministre des finances a eu recours pour aligner les recettes et les dépenses. Aux termes de la législation qui