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au budget des beaux-arts sous la rubrique : Travaux en Algérie. Manifestement, il ne s’agissait point de travaux d’entretien ou de réparation aux monumens historiques, puisqu’il y était pourvu, à ce même budget, par un crédit spécial. Quels travaux les Beaux-Arts pouvaient-ils donc avoir à exécuter en Algérie ? Ni le rapporteur spécial, ni le rapporteur-général, ni le ministre lui-même, ne purent fournir à cet égard le moindre renseignement. La commission n’en proposa pas moins à la chambre de voter, de confiance, le crédit demandé : toutefois, comme le vent est maintenant à l’économie, elle le réduisit de 20,000 francs sans savoir sur quoi porterait cette réduction. Le rapporteur-général du sénat, n’ayant pu éclaircir ce mystère, dut à son tour conseiller à ses collègues le vote de ce crédit d’une destination inconnue.

L’école d’apprentissage de Dellys l’a échappé belle. La commission avait jugé, en sa sagesse, que cette école ne devait plus relever du ministère du commerce : il fallait la faire figurer désormais au budget de l’Algérie et la placer sous la direction du gouverneur-général. Comme sanction de sa décision, elle avait retranché 40,000 francs des crédits demandés par le ministre du commerce ; mais elle n’avait pas pris garde que le temps marchait pendant qu’elle délibérait ; et quand elle rendait cette décision qui avait besoin d’être ratifiée par le parlement, la rentrée des classes avait eu lieu à l’époque accoutumée. Le ministre vint demander s’il fallait licencier les élèves nouvellement admis et fermer l’école pour laquelle aucun crédit ne figurait plus nulle part. La commission préféra lui restituer ses 40,000 francs sous la condition qu’il ferait examiner par une commission spéciale le rattachement de l’école au budget de l’Algérie et qu’il aurait une solution à proposer avant le dépôt du budget de 1890 : ce qui revient à dire que le ministre s’engagea à mettre à l’étude la question que la commission du budget avait cru pouvoir trancher sans examen. Le chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, qui demeurera fameux dans l’histoire des voies ferrées, a donné lieu à une innovation budgétaire. Edifiée par des débats instructifs et par l’embarras que le gouvernement éprouvait à expliquer les faits, la chambre semblait résolue à ne pas voter les crédits demandes pour cette ligue vraiment extraordinaire : elle avait décidé d’ajourner son vote jusqu’à ce qu’elle fût en possession du rapport demandé à une commission spéciale sur les circonstances dans lesquelles la ligne de Dakar à Saint-Louis avait été construite, reçue et exploitée, et sur les conditions de son fonctionnement. C’était un beau mouvement ; mais, revenue de son premier élan, la chambre se demanda si elle pouvait tenir le budget en suspens pour un seul crédit. Le Sénégal est loin, on était en décembre : le spectre des douzièmes provisoires se dressait