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LE
GOUFFRE FINANCIER


I.

Après les diverses études consacrées, ici même, à montrer l’accroissement continu et la mauvaise direction des dépenses publiques, soumettre le budget de 1889 à un examen détaillé serait s’exposer à bien des redites et risquer de ne rien apprendre de neuf au lecteur. Aussi bien, ce budget, œuvre hâtive, hâtivement votée, mériterait plutôt de s’appeler : les douze douzièmes provisoires de 1889. La préoccupation exclusive du gouvernement et des chambres semble avoir été d’aboutir à un vote avant l’échéance fatale du 31 décembre, afin d’échapper aux reproches auxquels a donné lieu le laborieux enfantement du budget de 1888, voté trois mois après l’ouverture de l’exercice. Le ministre qui avait préparé la nouvelle loi de finance, la commission qui l’a discutée, le rapporteur-général qui en a résumé l’économie, paraissent avoir tous désespéré d’en faire une œuvre digne d’un sérieux examen. Lorsque la discussion générale s’est ouverte à la chambre, les députés n’avaient encore entre les mains qu’un seul des dix-huit ou vingt rapports particuliers : celui qui était relatif au ministère de la marine. Les autres arrivèrent lentement pendant le cours des débats, quelques-uns le jour même où s’ouvraient les discussions qu’ils étaient destinés à éclairer. Le rapport général contenait bien les chiffres des modifications proposées à l’œuvre ministérielle ; mais pour les motifs de ces décisions de la commission, il s’en référait aux rapports particuliers, encore inédits. Une discussion du budget, conduite dans de pareilles conditions, ne pouvait manquer d’offrir des particularités inattendues. Un crédit de 200,000 francs figurait