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vient se ranger le groupe des animaux hibernans. Ce sont généralement des rongeurs qui, à l’approche des froids, après s’être construit sous terre un nid bien garni de mousse et d’autres substances, s’y pelotonnent et y demeurent immobiles durant toute la mauvaise saison, dormant tout le temps, engourdis, ne mangeant ni ne buvant, immobiles. Chez ces animaux, la température interne baisse beaucoup, suivant à quelque distance les oscillations thermiques extérieures : ils respirent à peine, leurs combustions respiratoires sont très diminuées, et leur température descend à 20, à 15, à 10 degrés et plus bas encore. Horwath a constaté la température de 2 degrés seulement chez une marmotte en hibernation. Dès que revient la chaleur, ils redeviennent actifs, se réveillent, fort amaigris d’ailleurs, puisqu’ils ont vécu des mois sur leur graisse accumulée, et leur température redevient normale. Voilà donc des animaux alternativement homéothermes et hétérothermes en été et en hiver. La cause de cette étrange alternance n’a pas été élucidée encore et doit être assez complexe. Chez eux, la production thermique est relativement faible. C’est bien le froid qui détermine le sommeil hibernal, car il est aisé de produire celui-ci en plein été, en soumettant l’animal au séjour dans un milieu artificiellement refroidi. Il n’a pas été fait, à ma connaissance, de recherches sur la résistance de cette catégorie d’animaux à la chaleur, je veux dire à l’élévation de la température interne au-dessus du niveau normal de l’été ; mais il n’est pas à présumer qu’elle soit aussi grande qu’au refroidissement : l’exemple des animaux homéothermes le montre assez.

La catégorie des hibernans relie nettement les animaux hétérothermes aux homéothermes, et sert à démontrer une fois de plus, si besoin en était, que tout s’enchaîne dans la nature. Les sauts brusques n’existent pas plus dans la physiologie des êtres qu’ils ne se présentent dans leur structure organique : partout la science trouve des formes de passage.

En somme, donc, tous les êtres vivans produisent de la chaleur, plus ou moins, il est vrai, selon leur activité et leur structure; mais tous en produisent. Pareillement tous les organismes subissent l’influence de la température ambiante, même ceux qui n’en suivent point les variations : pour chacun il est un degré de chaleur qui lui convient le mieux ; tous meurent dès que la température extérieure réagit sur leur température propre, pour amener celle-ci au-dessus ou au-dessous d’un certain niveau. Seule varie la facilité avec laquelle s’opère cette action du milieu sur la température propre des êtres.


HENRI DE VARIGNY.