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trois quarts environ de la surface pulmonaire totale, soit une couche sanguine de 100 ou 150 mètres carrés. Cette nappe est très mince, il est vrai, puisque 2 litres de sang suffisent à la constituer; mais ceci importe peu : pour que l’absorption se fasse, il faut surtout une surface étendue; la profondeur importe peu. D’ailleurs s’il n’y a, à un moment donné, que 2 litres de sang dans le poumon, il ne faut pas l’oublier, un calcul très simple établit que la quantité totale de sang passant par le poumon en vingt-quatre heures est de 20,000 litres environ. C’est dire qu’anatomiquement le poumon est admirablement disposé pour absorber, et d’ailleurs l’expérience démontre que son rôle est bien ce qu’indique son organisation. Le sang qui le parcourt absorbe l’oxygène de l’air inspiré, en raison des affinités chimiques de l’hémoglobine des globules rouges pour ce gaz, et va le porter dans tout le corps. C’est dans l’intimité des tissus, dans toutes les pai-ties de l’organisme, que cet oxygène, se séparant de l’hémoglobine, va se combiner avec le carbone des tissus, va se brûler, pour donner naissance à de la chaleur, et à de l’acide carbonique, résultat nécessaire de toute combustion, acide qui est repris par le sang pour être exhalé par le poumon.

La calorification est donc le résultat de combustions qui se passent dans tous les points de l’économie. Elle est dans une dépendance complète par rapport à deux autres fonctions : la respiration, c’est-à-dire l’apport d’oxygène, de comburant, et l’alimentation, l’apport de carbone ou de combustible. Nous aurons plus loin à rappeler ce fait. La calorification se produit donc non dans le poumon, comme le croyait Lavoisier jusqu’à un certain point, mais dans tous les tissus de l’organisme, et la preuve en est que tous les tissus respirent à l’état de vie, à l’exception des productions cutanées, comme les poils et les ongles, qui sont des parties mortes. S’ils respirent, c’est qu’il y a combinaison d’oxygène et de carbone, donc combustion, donc chaleur. La démonstration de la respiration des tissus est aisément fournie par l’expérience. On tue un animal et on isole des fragmens de muscle, de foie, de cervelle, d’os, etc., que l’on place dans des éprouvettes contenant de l’oxygène et renversées sur le mercure; au bout d’un temps variable, et dans des proportions différentes selon les tissus, on trouve dans les éprouvettes de l’acide carbonique qui a remplacé une partie de l’oxygène, et qui témoigne d’une façon irrécusable de la respiration qui s’est produite.

En résumé, la chaleur animale résulte de la combustion du carbone des tissus par l’oxygène de l’air introduit dans le sang par les poumons, et porté par ce liquide jusqu’au sein des élémens anatomiques les plus petits. Cette combustion s’opère dans tous les