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siens en particulier : ceux de l’école italienne, caractérisés par l’idéalisme poétique et sentimental; ceux de l’école allemande, faisant la transition entre la première classe et la troisième, et enfin ceux de l’école hollandaise, caractérisés par la minutieuse exactitude d’un pinceau devenu familier et réaliste. La tragique élévation italienne tourna les têtes des contemporains; elle nous fait rire, hélas! ou bâiller, et nous ne goûtons plus que l’humble comique des Pays-Bas. Aux productions de ce dernier genre (ou du genre mitoyen) appartiennent le Juhelsenior, les Flegelhahre, la Vie du professeur de cinquième Fixlein, traduite en français par M. Emile Rousse, et surtout : Fleurs, fruits et épines, ou mariage, mort et noces de Firmian Stanislas Siebenkäs, avocat des pauvres au bourg de Kuhschnappel.

C’est, à nos yeux, le chef-d’œuvre de Jean-Paul. Nous entendons par là que cet ouvrage est moins mal composé que les autres et qu’il contient un plus grand nombre de jolies choses ou de belles choses. Le petit génie de notre écrivain est essentiellement fragmentaire : une anthologie de ses œuvres aurait à prendre, pour former son bouquet de morceaux choisis, la plupart de ses fleurs dans le Siebenkäs. C’est de ce roman que Mme de Staël a tiré le discours du Christ mort, superbe morceau, mais pur hors-d’œuvre, sans aucune espèce de rapport avec le principal sujet. Une autre extra-feuille est la lettre de Leibgeber sur la gloire, que Mme de Kalb appelait « un délire du génie; » une troisième, c’est un sermon prononcé par Adam le jour de son mariage avec Eve sur la question de savoir s’il faut créer le genre humain, et une quatrième, c’est une dissertation sur la loquacité des femmes, où abondent les fines remarques et les images ingénieuses : « Les grenouilles cessent de coasser dès qu’une lanterne projette sur leur étang un rayon de lumière; ainsi une pensée arrête le vain bruit des paroles. » — « La parole chez les femmes indique qu’elles ne pensent à rien, comme dans un moulin la sonnette avertit qu’il n’y a plus de blé dans la trémie. » — « Il est beaucoup plus facile pour une femme de céder et de se taire quand elle a raison que quand elle a tort. » Les pensées brillantes, profondes même, ne manquent pas en général dans les écrits de Jean-Paul; ce serait un appoint considérable pour l’anthologie dont nous parlions et que le marquis de Lagrange a ébauchée en 1836. Richter a particulièrement bien observé ou décrit le caractère et l’esprit des femmes, leurs sérieuses qualités comme leurs défauts bizarres, quoiqu’il n’ait jamais éprouvé ni compris la passion ; un misanthrope dirait peut-être, mais ce serait plus spécieux que juste, qu’il les a d’autant mieux connues qu’il les a moins aimées. Voici d’autres choses bien délicatement senties et dites sur ce sexe « absurde et charmant. » — « Une femme est