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à notre sens, mieux encore que Dürer. Ses grandes Basiliques du musée d’Augsbourg nous offrent vraiment un art nouveau, très allemand, avec des paysages d’une lumière douce, des figures nobles et expressives, des tous finement nuancés, s’harmonisant à merveille avec l’émotion de chacun des sujets. C’est une peinture plus colorée que celle des vieux maîtres allemands, plus sentimentale que celle des Flamands, plus douce et moins passionnée que celle des vénitiens. Les Basiliques, malheureusement, devaient marquer le terme de l’originalité de Burgmair. L’effort avait été trop pénible, trop forte l’influence des magiciens d’Italie. Les œuvres postérieures du peintre souabe, à Munich, à Nuremberg, à Augsbourg, ne sont plus que de belles compositions à la façon vénitienne. C’est à ses gravures que Burgmair a désormais réservé tout l’effort de son génie.

Holbein le Jeune est né à Augsbourg ; mais il nous paraît impossible de le rattacher à l’école de sa ville natale. Aussi bien, ce merveilleux portraitiste ne nous parait-il tenir à l’ancienne peinture allemande que par des liens très faibles. Si, dans ses Vierges de Darmstadt et de Soleure, il a mis quelque chose de la naïveté primitive, nous avouons ne pas y trouver le sentiment religieux, la vivante émotion, que nous avons admires chez les peintres allemands. Les compositions de Holbein ne sont que des groupes de portraits ; comme dans ses autres portraits de Bâle, de Paris, de Londres, de Berlin, Holbein y montre une maîtrise incomparable, une étonnante justesse de vision, toutes les qualités qui font île lui le premier des portraitistes. Il n’a été surpassé que par les Velasquez, les Hals, les Raphaël, par ceux qui joignaient au génie de la peinture le sens de la vie et de la beauté. Mais il suffit de comparer les chefs-d’œuvre de Holbein avec les portraits de Dürer pour voir combien le maître de Bâle doit peu à son pays d’origine. D’ailleurs, tout a été dit sur lui : et la France, qui possède ses meilleurs portraits, peut encore se glorifier d’avoir produit l’un des meilleurs ouvrages qu’on lui ait consacrés[1].

Notre Louvre peut également nous donner une idée excellente des deux artistes qui représentent avec le plus d’éclat, au XVIe siècle, l’école de Cologne. Tous deux, le maître de Saint Barthélémy (auteur de la Descente de croix, naguère attribuée à Massys, n° 280) et le maître de la Mort de Marie (auteur d’une Mise au tombeau, n° 601) ont conservé le sentiment d’une beauté plastique spéciale, faite de grâce et de douceur. Mais que nous sommes

  1. Paul Mantz, Holbein, Paris. 1882. Consulter aussi l’ouvrage de Woltmann : Holbein und seine Zeit, Leipzig, 1874.