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fixer le jour solennel des prières publiques et des actions de grâces, ressemble tort à un mandement ou à une lettre pastorale[1].

En toute circonstance importante, les paroles officielles des autorités civiles et même militaires sont empreintes du sentiment chrétien. Pendant la guerre de la sécession, les généraux invoquaient hautement devant leurs soldats rassemblés « la faveur protectrice de cette providence, qui conduit les nations comme les hommes. » Lorsque le président Garfield mourut assassiné, son successeur, le vice-président Chester Arthur, annonça au peuple ses funérailles par une adresse dont le début rappelle l’éloquence de la chaire : « Il a plu au Seigneur dans son insondable sagesse de nous enlever le chef illustre de la nation, James A. Garfield, président des États-Unis. La douleur profonde qui remplit tous les cœurs doit se manifester d’un seul accord envers le trône de la grâce infinie. Courbés sous la main du Tout-Puissant, cherchons auprès de lui telle consolation de notre douleur et telle sanctification de notre perte qu’il daignera nous accorder[2]. »

Dans les débats parlementaires abondent les allusions bibliques et les citations des saintes Écritures. Les séances des chambres fédérales ou locales sont ouvertes par la prière que récite le chapelain spécialement attaché à l’assemblée. On n’a pas oublié l’histoire de ces deux législatures rivales, élues dans le même état par les deux partis opposés, et prétendant chacune être la seule régulière. L’une et l’autre ont envahi la salle du palais législatif d’où elles

  1. « Le peuple américain doit rendre au Dieu tout-puissant de constantes actions de grâces pour la bonté et la miséricorde qu’il lui a manifestées depuis le jour qu’il en a formé une nation et lui a donné un gouvernement libre. Avec une paternelle bonté, il nous a toujours conduits dans les voies de la prospérité et de la grandeur. Il n’a pas châtié nos fautes avec promptitude, mais avec une douce tendresse, et il nous a appris que l’obéissance à sa loi sainte est le gage de la continuation de ses dons précieux. En reconnaissance de tout ce que Dieu a fait pour nous comme nation, et afin que, dans un jour déterminé, les prières unies et les louanges d’une contrée qui n’est pas ingrate puissent monter vers le trône de la grâce, moi, Grover Cleveland, président des États-Unis, désigne et fixe le jeudi 29 novembre courant pour être un jour d’actions de grâces et de prières, garde et observé sur tout le territoire. En ce jour, tous les citoyens suspendront leurs travaux ut occupations ordinaires, et dans les lieux accoutumés du culte, avec des prières, des chants et des louanges, rendront grâces à Dieu pour ses bienfaits, pour les abondantes récoltes dont il a récompensé, durant le cours de cette année, les travaux des laboureurs, pour les richesses amassées par le peuple dans les ateliers, les marchés, le commerce et le trafic… En même temps que nous rendrons les actions de grâces pour les bénédictions que nous avons reçues des mains de notre l’ère Céleste, nous n’oublierons pas qu’il nous a enjoint de pratiquer la charité. Dans le jour de thanksgiving, souvenons-nous des pauvres, des nécessiteux, de ceux qui ont souffert et qui pleurent, afin que non louanges et notre reconnaissance deviennent agréables aux yeux de Dieu. »
  2. Appleton’s Cyclopœdia. 1881.