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cabinet, par l’intermédiaire du gouverneur, au secrétaire d’état pour les colonies une dépêche où il déclarait que le gouvernement de la Nouvelle-Galles était décidé à empêcher à tous hasards le débarquement des immigrais chinois. Tandis que la colonie continuait d’expédier à la métropole l’expression télégraphique de son mécontentement, se plaignant amèrement que le gouvernement de Londres fut trop lent à suivre les affaires qui intéressent si vivement les colons, joignant même aux reproches la menace non dissimulée d’un recours à l’autonomie, l’assemblée législative siégeait à Sydney jour et nuit. Sir Henry Parkes demandait, dans une harangue enflammée, le vote d’un bill libérateur et protecteur : Chinese restriction bill.

Ce n’était pas la première fois que semblable mesure était proposée aux législateurs australiens et adoptée par eux. Au moment de l’épidémie de « fièvre d’or » qui sévit sur Victoria en 1851, celle colonie se crut à la veille d’une invasion chinoise ; prise de panique, elle adopta des lois restrictives. Dans les autres colonies, le mouvement se dessine depuis dix ans.

En Queensland, le premier act de ce genre date de 1877 : il s’agissait « de réglementer l’immigration des Chinois et de prendre des mesures afin d’éviter qu’ils ne devinssent une charge pour la colonie. » L’exposé des motifs ajoute qu’il est « expédient » de s’assurer des garanties pour le paiement des dépenses que ces immigrans pourraient occasionner ou des amendes qu’ils pourraient encourir. On ne parle pas encore ouvertement de restreindre l’immigration, on affecte des préoccupations d’un autre ordre. Il est bon que, au cas où le Chinois tomberait à la charge de la colonie (condamnation à la prison, aliénation mentale, indigence), il existe un fonds pour y pourvoir. Les stipulations de l’act sont peu en accord avec l’exposé des motifs : il s’y trouve des dispositions nullement restrictives. Le nombre de passagers par navire importateur d’immigrans chinois est fixé au maximum de 1 par 10 tonneaux ; le maître du navire doit payer 10 livres sterling par tête avant que chaque passager soit autorisé à débarquer. Un act de 1884 resserre encore ces limites : la proportion est réduite à 1 Chinois par 50 tonneaux, et la taxe portée de 10 à 30 livres par tête. La disposition du premier act, il savoir que le montant de la taxe perçue à l’arrivée du Chinois, comme garantie, lui serait rendu au départ, a cessé rapidement d’être appliquée : l’argent chinois ne contamine pas les caisses de la colonie. — Un autre act de Queensland, déclarant s’adresser aux étrangers asiatiques et africains, mais dirigé en fait contre les Chinois, refuse aux étrangers ainsi désignés le droit de se faire naturaliser sujets britanniques, à moins qu’ils ne soient mariés et n’aient résidé avec leurs femmes depuis trois ans dans la colonie. Un act