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âprement et réglaient par des instrumens diplomatiques leurs rapports commerciaux, rien n’était prévu pour réglementer et contrôler les courans humains de pays à pays. Il y a eu des congrès internationaux pour constituer la propriété littéraire, la propriété industrielle, pour étendre et simplifier le trafic postal et télégraphique ; il y a eu des conférences des chemins de fer, de la navigation fluviale, des sucres, des pêcheries ; mais à aucun moment il n’a été question de réunir les représentais des nations intéressées pour qu’une fois enfin quelques principes généraux fussent posés relativement à l’émigration et à l’immigration.

Il ne s’en forme pas moins une opinion publique sur le sujet ; les intérêts s’émeuvent : les difficultés se multiplient. Malgré tout, les principes internationaux demeurent les mêmes que lorsque la question n’était pas encore née. Nous ne croyons pas nous tromper beaucoup en affirmant qu’avant qu’il soit longtemps, la nécessité apparaîtra aux divers gouvernemens de provoquer la réunion d’une conférence internationale chargée de jeter un peu de lumière sur la matière.

Il y a des droits et des devoirs nouveaux que nous voudrions Voir enfin précisés et établis d’un commun accord par les états intéressés. Par exemple, un pays d’immigration peut-il à un moment donné s’opposer à la pénétration du courant ? Peut-il réclamer des immigrans des garanties quelconques, et lesquelles ? Peut-il enjoindre à l’état d’où part le courant envahisseur d’y couper court ? D’autre part, jusqu’à quel point le pays d’émigration peut-il réclamer du pays d’immigration que celui-ci ouvre ses portes toutes grandes aux sujets du premier ? Si les immigrans sont partis en masse, mais avec esprit de retour, jusqu’à quel point le pays d’émigration peut-il réclamer pour ses propres sujets dans le pays d’immigration la jouissance des droits et privilèges accordés aux citoyens des autres nations qui y sont fixés en petit nombre seulement ?

Nous fournirons quelques exemples des questions d’ordre intérieur et d’ordre international, souvent fort complexes, que les courans d’émigration font naître. Dans l’exposé des cas choisis nous irons du simple au composé : nous montrerons d’abord les États-Unis aux prises avec les difficultés soulevées par l’importation en masse des prolétaires italiens ; nous les montrerons ensuite en lutte avec l’élément chinois et parvenant non sans peine à l’éliminer presque complètement. — Mais déjà, lorsqu’il s’agit d’immigration chinoise, la question n’est plus aussi simple ; elle n’est plus purement économique : elle se complique d’antipathies de races, de divergences de civilisations. — Nous pénétrerons enfin dans les colonies britanniques du Canada et d’Australie ; nous y trouverons le colon blanc en révolte déclarée contre la concurrence