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principal et en accessoires, surtout en frais de perception et en amendes, l’impôt indirect coûtait à la nation le double de ce qu’il rapportait au roi, qu’elle payait 371 millions pour qu’il en reçût 184, que la gabelle seule, pour verser 45 millions dans ses coffres, puisait 100 millions dans les poches du contribuable. Sous le régime nouveau, les amendes deviennent rares ; les saisies, les exécutions, les ventes de meubles sont encore plus rares, et les frais de perception, réduits par la consommation croissante, s’abaisseront jusqu’à n’être plus qu’un vingtième, au lieu d’un cinquième, de la recette[1]. — En second lieu, le consommateur redevient libre, libre en droit et en fait, de ne pas acheter la marchandise grevée. Il n’est plus contraint, comme autrefois dans les provinces de grande gabelle, de recevoir, consommer et payer le sel de devoir, sept livres par tête à 13 sous la livre. Sur la denrée dont il ne peut se passer, sur le pain, il n’y a plus de taxes provinciales, municipales ou seigneuriales, plus de piquet ou droit sur les farines comme en Provence[2], plus de droits sur la vente ou la mouture du blé, plus d’empêchemens à la circulation ou au commerce des grains. Et, d’autre part, par l’abaissement du droit fiscal, par la suppression des douanes intérieures, par l’abolition des péages multipliés, les denrées, autres que le pain et qu’une taxe atteint, redescendent, jusqu’à la portée des petites bourses. Au lieu de 13 sous et davantage, le sel ne coûte plus que 2 sous la livre. Une barrique de vin de Bordeaux ne paie plus 200 livres avant d’être débitée par le cabaretier de Rennes[3]. Sauf à Paris, et même à Paris, tant que l’exagération des dépenses municipales n’aura pas exagère l’octroi, l’impôt total sur le vin, le cidre et la bière n’ajoute, même au détail, que 18 pour 100 à leur prix vénal[4], et, dans toute la France, le vigneron, bouilleur de cru, qui recolle et fabrique son propre vin, boit son vin ou même son eau-de-vie, sans payer de ce chef un son d’impôt[5]. — Par suite, la consommation augmente, et, comme il n’y a plus de provinces exemptes ou demi-exemptes, plus de franc sale, plus de privilèges attaches à la naissance, à la condition, à la profession, ou à la

  1. Paul Leroy-Beaulieu. Traité de la science des finances, I, 261. (En 1875, ces frais sont de 5,20 pour 100.) — De Foville. ibid. (Frais des douanes et sels, en 1828, 16,2 pour 100 ; en 1876, 10,2 pour 100. — Frais des contributions indirectes, en 1828, 14,90 pour 100 ; en 1870, 3,7 pour 100.) — De Caloune, Collection des mémoires présentés à l’assemblée des notables, 1787, p. 63.
  2. L’Ancien Régime, 30, 484. — La Révolution, I, 15, 23, 24.
  3. L’Ancien Régime, p. 472.
  4. Leroy-Beaulieu, ibid., I, 643.
  5. Décrets du 25 novembre 1808 et du 8 décembre 1814.