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a commencé par un étal de dispersion absolue. A priori d’ailleurs, les propriétés divines ont dû se manifester dans leur ordre logique. La première des trois est la puissance ou la force ; car avant d’avoir telle ou telle forme, il faut être, et pour cela il faut une puissance. L’univers, en conséquence, a commencé par être une masse fluide, où les propriétés fondamentales ne se manifestaient que par les phénomènes les plus généraux, à savoir : le mouvement, la lumière et la chaleur. La force, dans son état absolu, donne l’immensité divine ; mais, jointe à la limite, elle donne l’étendue. Il n’y a que deux notions positives et concrètes : l’immensité et l’étendue. L’espace géométrique est une abstraction. Lamennais essaie, à la manière allemande, de construire a priori les trois dimensions. D’abord la force rayonne en tous sens : c’est la ligne droite, la longueur ; puis ce rayonnement est circonscrit par une forme qui donne la surface ; de la surface et de la ligne nait le solide. Ainsi se manifeste la force dans l’univers. Comment se manifeste l’intelligence ou la forme ? C’est par les trois degrés ou espèces d’êtres qui seront plus tard mieux définis et qui sont : les êtres inorganiques, les êtres organisés ou vivans, et enfin les êtres intelligens. Dans la première classe, la forme est à l’état irrégulier ou diffus ; dans la seconde, elle est déterminée ; dans la troisième, elle est concentrée. Enfin le principe de l’amour se manifeste également dans ces trois espèces d’êtres par une unité de plus en plus intime : 1° par la simple juxtaposition dans l’espace ; 2° par l’unité individuelle ; 3° par l’unité intellectuelle et sociale.

Si l’on revient sur cet ordre graduel et ascendant des êtres pour les étudier plus en détail, on trouve d’abord les êtres inorganiques. Ils sont dits inorganiques parce qu’ils sont 4estitués de cette sorte d’organisation qui accompagne la vie et l’individualité ; mais, ayant une forme, ils ne peuvent être complètement dépouillés de toute organisation. Ils ont leurs formes diverses, qui sont contenues en puissance dans la forme primitive, laquelle, avons-nous dit, est celle d’une masse fluide résultant de la combinaison des trois fluides primitifs (électrique, calorique et lumineux) ; or, en tant que ces formes sont contenues dans cette matière universelle, elles peuvent être appelées des germes. Que ces germes s’assimilent dans des proportions différentes les élémens primitifs du fluide universel, et ces fluides passent alors de l’état libre à l’état latent, c’est-à-dire que de fluides ils deviennent des corps. À mesure que la forme se développe, on voit ainsi apparaître graduellement, par des