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a laissé un amusant croquis de la ville de Washington et de la vie que l’on menait alors à la Maison-Blanche. Washington, à peine construit, voit s’établir dans ses murs le président, ses ministres et le congrès, le personnel administratif. La Maison-Blanche n’est encore « qu’une vaste baraque inachevée, aux chambres à peine meublées, sans sonnettes, sans murs de clôture. » On y gèle l’hiver, et, dans la forêt qui l’avoisine, le président ne trouve personne qui consente à lui couper du bois de chauffage. Elle écrit à une de ses amies : « Je suis arrivée à Washington dimanche dernier. En quittant Baltimore, nous nous sommes perdus dans les bois et avons fait 8 ou 9 milles dans la direction de Fredericksburg, je crois. Quoi qu’il en soit, force nous a été de revenir sur nos pas environ 8 milles. Mais, cette fois encore, nous n’avons pu trou er le sentier, et nous avons erré deux heures avant de rencontrer un guide. Enfin, me voici, non sans peine, dans cette ville qui n’a de ville que le nom. » Un peu plus tard, elle écrit à la même correspondante et l’avise qu’une goélette vient d’arriver de Philadelphie ayant à son bord tout le mobilier de l’état, plus cinq petites caisses contenant les archives de la république. Il est vrai que dans un post-scriptum elle lui annonce que lesdites archives, déposées dans une boutique, viennent de brûler dans la nuit. Plus tard, elle note comme un fait exceptionnel, qu’un certain jour il lui est venu jusqu’à quinze visiteuses. « Il ne nous manque rien ici, écrivait Gouverneur Morris, si ce n’est des maisons, des caves, des cuisines, des gens agréables, des femmes aimables et quelques autres détails insignifians. »

Sous Madison, ces lacunes se comblent ; la ville s’étend, la population s’accroît, et l’on fait grand bruit des réceptions de Mrs Madison. Elle les préside « vêtue comme elle l’est le dimanche pour se rendre au temple, d’une pelisse de velours rouge, coiffée d’un vaste chapeau garni de dentelles, costume très élégant, écrit Mrs Quincy, mais qui ne semple pas tout à fait de mise pour recevoir chez soi. » Une autre fois, elle nous la montre « en robe de velours noir, un bonnet coquelicot et or, et au cou un collier de mêmes couleurs. » Elle est grande, forte, de mine avenante, aimée de son entourage. Mrs Monroë, qui la remplace à la Maison-Blanche, est nièce du général Knox. Lors de sa visite à Paris, où elle accompagnait son mari, alors ministre des États-Unis, on l’appelait « la belle Américaine. » Ses manières sont celles d’une princesse ; elle en a la hauteur et la condescendance. Une lettre du temps nous la décrit à l’une de ses réceptions, « entourée de ses deux filles, Mrs Hay et Mrs Gouverneur, aussi belles que leur mère. » Elle porte une robe à trahie en velours noir, les épaules et les bras nus, d’un modelé parfait, les cheveux relevés et bouffans avec plumes d’autruche,