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avenir nouveau de gloire et de renaissance. Telle est l’idée fondamentale du journal l’Avenir, idée qui, conçue d’abord dans l’intérêt du catholicisme, a été plus tard retournée contre lui. Ce n’est pas le lieu de juger cette conception. Ce n’en est pas moins un grand honneur pour Lamennais et son école d’avoir introduit dans la question si complexe des rapports de l’église et de l’état une solution nouvelle, qu’il appartient à l’avenir de mûrir et de mitiger.

Indépendamment de cette thèse extrême et radicale, qui peut être sujette à discussion, l’Avenir posait les bases d’une réconciliation entre l’église et la liberté. Voici quelles étaient les bases de cette sorte de traité de paix : I. Nous restons catholiques liés à l’unité et à la hiérarchie ; II. Nous repoussons les doctrines gallicanes ; III. Nous demandons toutes les libertés, notamment la liberté de conscience, la liberté d’enseignement, la liberté de la presse, la liberté d’association ; IV et V. Enfin, nous demandons l’extension des droits de suffrage et la suppression de la centralisation.

Si nous cherchons ce que le parti catholique apportait de nouveau dans ce catalogue de libertés, ce qu’il ajoutait à nos anciennes déclarations de droit et aux principes de 1789, nous trouvons surtout deux libertés nouvelles que le libéralisme ne revendiquait que rarement, parce qu’il croyait y voir une arme contre la révolution plutôt qu’une conséquence de cette révolution même. Ce sont la liberté d’enseignement et la liberté d’association. En effet, l’état moderne s’étant affranchi de l’église a d’abord pris ses précautions contre elle, en se réservant l’enseignement et en refusant le droit d’association. Cependant l’église a le plus haut intérêt à ces deux libertés ; c’est à elle qu’il appartenait de les réclamer : car on ne réclame en général que les libertés dont on a besoin pour soi-même. Il faut donc (en partie du moins, et sans méconnaître les réclamations antérieures) rattacher au journal l’Avenir l’origine de ces deux grandes questions. L’Avenir abordait en outre la question de la souveraineté, et, s’appuyant sur la tradition théologique, il se prononçait pour la souveraineté du peuple. C’était, en effet, la doctrine de saint Thomas d’Aquin et de la plupart des scolastiques. C’est, au contraire, dans l’école des légistes, des défenseurs du pouvoir laïque contre les prétentions sacerdotales, que la doctrine moderne du droit divin et du pouvoir absolu a pris naissance. Enfin, pour ce qui concernait la forme du gouvernement, le journal se prononçait pour la république, mais en déclarant que le gouvernement nouveau, issu de 1830, était une république de fait, et qu’il n’y avait pas lieu de trop se préoccuper de la forme abstraite et théorique du gouvernement.