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plus grande des forces (ibid.). » Comme dans le même livre, mais avec bien plus de hardiesse encore, il déclare que « le royalisme se dissout. Le principe de vie ayant été détruit, il faut que cette société meure. » Le libéralisme a pour lui les institutions existantes, et quand il en demande les conséquences et les développemens, on n’a rien de sensé à lui objecter. D’ailleurs, les jeunes générations arrivent enivrées des doctrines nouvelles (ibid.). Parlant de son livre Des Progrès de la révolution, il dit qu’il y combat tout le monde, parce qu’il n’y a plus rien à ménager dans ce temps de dissolution universelle (novembre 1828). « Aucun bien ne peut plus s’opérer sans de graves catastrophes. Pour établir les vérités qui doivent sauver le monde, une immense liberté est indispensable [ibid.). » — « Aucun changement moral et spirituel n’est possible avant qu’un grand changement se soit opéré dans l’ordre extérieur de la société (janvier 1829). » — « Tout se prépare pour de grands ébranlemens. Les hommes seront emportés comme la paille par la tempête. Une destruction entière, absolue, est inévitable (11 janvier 1829). » Pour arrivera ce renouvellement, deux choses sont nécessaires : « éclairer les esprits par la discussion, fortifier les âmes par le combat, d’où il suit que la liberté est aujourd’hui le premier besoin des peuples. »

Un événement important vint confirmer Lamennais dans ses nouvelles aspirations et lui donner une forte impulsion du côté du libéralisme. Ce fut la protestation des catholiques belges contre le gouvernement hollandais. On sait que, par les traités de 1815, la Belgique avait été annexée au royaume des Pays-Bas. Cette annexion violente d’un peuple à un autre, d’une race à une autre toute différente, et surtout d’une religion à une autre, souleva deux sortes de protestations : d’une part, celle des libéraux, qui réclamaient, comme en France, contre la réaction antilibérale du pouvoir, avec un élément national en plus ; d’autre part, celle des catholiques, qui réclamaient la liberté de conscience. De là une alliance naturelle entre les principes libéraux et les principes catholiques. Cette alliance, commandée par la situation, fit taire les préjugés réciproques, et les deux partis, étroitement unis, s’élevèrent à la fois contre une même tyrannie. Ce sont ces principes communs qui inspiraient le Manifeste des catholiques pour lequel Lamennais exprime sa profonde admiration et qu’il propose en modèle aux catholiques de notre pays. « C’est, disait-il, un des plus beaux et des plus grands spectacles que l’on ait vus depuis longtemps. « Il se fait l’illusion que, dans cette alliance du libéralisme et du catholicisme, le premier de ces deux élémens sera absorbé par le second ; mais cette illusion était naturelle à un catholique, car comment croire que la