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se procurer des échantillons authentiques de crus de la même récolte et de la même provenance. Toutefois, le praticien n’a de vin type à sa disposition qu’assez rarement ; de plus, lorsque le mouillage n’est pas trop grossier, l’expérience de l’œnobaromètre ne permet pas de trancher sur-le-champ la question. Il faut alors opérer dans le laboratoire et se renseigner exactement sur la faiblesse du coefficient d’acidité, l’insuffisance de la glycérine, le défaut de cendres, etc., et une fois cette longue et minutieuse série d’analyses terminée, il faut, avant de conclure, rapprocher les nombres obtenus, les discuter en les comparant aussi bien entre eux qu’au degré alcoolique. Le mouillage finit alors par ressortir d’une façon ou de l’autre.

Suivant M. Armand Gautier, l’addition d’eau dans le vin peut être signalée sans difficulté, dans un très grand nombre de cas, au moyen de l’application d’une règle très simple qui n’exige que la connaissance du degré et de l’acidité. Analysons, à ce double point de vue, deux vins naturels de consommation courante, provenant de raisins d’espèces analogues, mais inégalement mûrs. Le vin numéro 1, fabriqué avec des fruits arrivés à parfaite maturité et gorgés de sucre, se trouvera riche en alcool, mais pauvre en crème de tartre et en acides ; au contraire, le liquide numéro 2, obtenu à l’aide de raisins sûrs ou du moins aigrelets, fournira peu d’alcool, tout en possédant un coefficient d’acidité élevé. (Tel est un peu le cas des vins du Midi de la récolte 1888.) Cette observation, généralisée dans une juste mesure, nous apprendra qu’en définitive la teneur en alcool et la tendance acide sont réciproques l’une de l’autre, la première croissant lorsque l’autre diminue, et vice versa. M. Gautier exprime ce résultat en additionnant les deux chiffres, traduisant l’un la force alcoolique exprimée en degrés et fraction de degré ; l’autre, l’énergie acide représentée en grammes et en parties de gramme d’acide sulfurique par litre. Le total varie bien un peu d’une individualité à l’autre, mais entre des limites assez étroites.

Un vin de l’Hérault peu alcoolique et pesant 7°8 aura 5 gr. 6 d’acidité ; total de 7.8 + 5.6 ; 13.4. Avec un vin du Gers plus spiritueux, les chiffres seraient 10 et 4, somme 14. Prenons enfin un vin de Roussillon (récolte 1881); nous trouvons alcool: 12.3; acidité 2.9, somme 15.2. L’addition peut fournir des valeurs souvent égales à 16.7 unités et même davantage, mais il est très rare que le total alcool-acide tombe au-dessous de 13[1].

  1. Il va sans dire que ce total, résultant de la juxtaposition de deux grandeurs hétérogènes (un volume et un poids), est dépourvu de toute signification concrète et n’a qu’une utilité empirique.