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pastorales archaïques où il a fait dialoguer des paysans anglais du temps de la guerre des Deux Roses offrent une certaine ressemblance avec la quatrième de ces églogues. Voici enfin Lisle Bowles, premier en date de tous les poètes romantiques, celui qui le premier leva l’étendard de la révolte contre l’école trop prolongée de Pope et eut plus tard, à ce sujet, avec lord Byron, une si vive querelle. Nous appelons très particulièrement l’attention des lecteurs qui sont curieux de ces sortes de découvertes sur sa belle et longue pièce intitulée : l’Espérance, fragment allégorique. Cette pièce porte pour épigraphe deux vers empruntés à l’ode de Collins sur les passions, et ce n’est que justice ; car, à la bien lire, elle n’est autre chose qu’une transformation de l’ode même, ou, si vous l’aimez mieux, une adaptation à un autre sujet de l’idée de cette ode, seulement accomplie non plus avec les moyens de Collins, mais avec les moyens du maître souverain en matière d’allégories, Edmond Spenser, On voit, par ces exemples, que, si Collins n’a été un initiateur pour aucun des poètes qui sont venus après lui, il a été au moins quelque peu leur collaborateur secret.

Le soupçon que nous faisons peser sur les successeurs de Collins ne doit pas, en tout cas, s’appliquer au dernier des trois poètes que nous venons de nommer. Ce n’est pas l’honnête Bowles qui aurait jamais renié les emprunts qu’il aux-ait pu lui faire. A l’époque où il écrivait la pièce dont nous avons donné le titre, la nouvelle école poétique était née, beaucoup par son impulsion, et avec elle avait fini le temps des dénis de justice, des dédains compatissans et des silences artificieux. Aux quelques admirateurs qui, pendant trente ans, s’étaient dévoués à ne pas laisser périr le nom du poète, voix isolées parlant à des auditoires fort clairsemés, a succédé toute une génération de lettrés enthousiastes. Où ne retrouve-t-on pas, à ce premier moment de l’éveil romantique, le nom de Collins? Il arrive même parfois alors qu’il est loué non-seulement pour les qualités qu’il a, mais pour celles qu’il n’eut jamais. Southey, qui l’admire, s’attache à venger son caractère; Charles Lamb le qualifie de sublime, ce qu’il est en effet quelquefois ; mais le plus singulier compliment que son génie ait reçu est celui que lui fait Robert Burns, dans une lettre à son amie mistress Dunlop, d’avoir su toucher et peindre le cœur, ce qui lui est arrivé aussi, mais encore plus rarement que d’être sublime. Parmi les enthousiastes, nous rencontrons l’auteur jadis si célèbre des Mystères d’Udolphe, mistress Anne Radcliffe; et, qui le croirait, rarement on a mieux parlé du poète qu’elle ne l’a fait et avec plus de justesse[1]. Mais il est deux de ces témoignages d’admiration qu’il

  1. Dans un passage de son Voyage en Hollande, très judicieusement extrait par M. Willmott, pour son édition du poète.