Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/756

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient, au dire de Swift, pour leurs progéniteurs, ascendans et collatéraux[1].

L’enfant donna de très bonne heure des gages de talent. À douze ans, il faisait des vers, et à dix-sept ans, alors qu’il était encore à Winchester, un jour que son imagination s’était échauffée pour l’Orient après certaines lectures sur la Perse, il composa les Eglogues orientales, qui ouvrent le mince volume de ses œuvres, première en date de ses productions, et, à notre gré. Une des plus aimables. Plus tard, il affecta de les mépriser en les nommant ses Eglogues irlandaises, mais il avait réellement tort, car il n’a rien laissé où ce qui était sa vraie nature se soit révélé avec plus de simplicité et de candeur. Un petit dessin exécuté trois ans avant cette époque, — le seul portrait qui existe de lui, — nous permet de nous représenter ce qu’il était à ce premier moment d’inspiration, un gentil poupard au visage rond, aux traits nets, presque vigoureux ; rien qui indique le mal futur, si ce n’est dans le regard une délicate lueur de mélancolie et dans l’ensemble de la physionomie quelque chose de légèrement pensif. Au-dessous de ce dessin est inscrit ce vers des Géorgiques :


Quos primus equis oriens adflavit anhelis,


vers qui non-seulement donne la date de ce matin de sa vie, mais par lequel il a lui-même voulu marquer la première heure de son aube poétique, car il l’a donnée pour épigraphe à ses Églogues orientales. Voilà, ce semble, une aube pleine de promesses et qui laisse espérer un beau jour. Hélas ! l’enfant ne vivra pas[2].

À l’université d’Oxford, ces signes d’un irrécusable génie poétique se montrèrent, quelques années plus tard, d’une manière plus frappante encore. C’était l’époque où sir Thomas Hanmer donnait son édition de Shakspeare, laquelle, entre les éditions de Pope et de Johnson, marque une étape importante dans la révision et l’élucidation

  1. Un des modernes éditeurs de Collins, trop zélé peut-être pour sa mémoire, M. Willmott, dans une éloquente notice toute scintillante d’images, insinue assez nettement que ses sœurs le lésèrent quelque peu dans le règlement de la succession du colonel Martyn. Une surtout, Anne Durnford, est l’objet de tous ses anathèmes, et vraiment elle les mérite, si elle est bien réellement coupable d’avoir, comme il l’en accuse, fait un autodafé des papiers de son frère.
  2. Avant ses Églogues orientales, Collins avait composé diverses pièces, une sorte d’épithalame, paraît-il, sur quelque mariage princier, et un sonnet qui eut l’honneur d’être loué par Johnson, qui préludait alors à son rôle de dictateur critique. Le poème, quoique imprimé, n’a jamais été retrouvé. Quant au sonnet, qui n’est d’ailleurs un sonnet que par le titre, en dépit de l’opinion de Johnson, nous nous permettrons de le trouver banal, quoique mièvre.