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question de l’instruction publique et des efforts qu’il faisait pour obliger les familles égyptiennes de toute catégorie à s’instruire. Elles y éprouvent une grande répugnance, m’a-t-il affirmé, et, pour la vaincre, il emploie dans son entourage la persuasion et même la ruse. En parlant de ce prince, j’ai déjà raconté comment, en suscitant une certaine émulation dans les personnes qui sont à son service, il emplissait de garçons et de fillettes des écoles désertes.

L’administration centrale du ministère de l’instruction publique et les écoles de toute l’Egypte ne coûtent au trésor que 2 millions de flancs. C’est dérisoire comme chiffre, lorsqu’on constate que le personnel de l’administration centrale des finances absorbe à lui seul 2,400,000 francs.

Peut-être le gouvernement compte-t-il un peu trop sur la générosité des riches musulmans qui, à leur mort, lèguent des fonds pour la construction sur un même emplacement d’une fontaine et d’une école, celle-ci construite sur la première. Le type du genre est celle qui se trouve au Caire, en face de l’hôtel Sheppard. On aura sans doute remarqué les ferrures délicates qui la décorent, ainsi que les petits gobelets en fer battu attachés au monument, comme ceux de nos fontaines Wallace, par une chaînette, il y a aussi des rotondités en cuivre et polies par l’usage, appliquées à la muraille et percées d’un trou comme une mamelle, d’où l’eau s’échappe si on y applique les lèvres. Jeunes et vieux y viennent comme à un biberon, et c’est l’eau délicieusement fraîche du Nil qui en est le lait.

Au-dessus des fontaines de ce genre se trouvent presque toujours des écoles où des bambins, en fez ou en turban, s’égosillent à crier à pleins poumons les louanges d’Allah ou des versets du Coran. Pas de papier, mais des feuilles de zinc sur lesquelles on écrit avec des plumes de roseau. Le hodja ou magister, presque toujours très vieux, très digne, reste accroupi devant ses élèves, auxquels il apprend à psalmodier d’une façon monotone les versets de la doctrine de Mahomet. Il le fait en battant la mesure avec une baguette qui s’abat parfois sur la tête d’un élève trop remuant. Les écoliers, en général, sont vêtus d’une façon malpropre et sordide, mais ceux de l’école copte du vieux Caire m’ont paru d’une saleté par trop repoussante. Est-ce parce qu’ils sont chrétiens? Je le crains. Voulez-vous une reproduction vivante du tableau de Decamps, la Sortie d’une école? attirez les écoliers au dehors par la vue d’une brassée de cannes à sucre dont vous voudrez les régaler. Du reste, tout le vieux Caire est d’une puanteur extrême. N’en sont pas exemptes ses vieilles églises coptes, si intéressantes