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de nationalités étrangères. Ils ont été successivement versés dans la magistrature assise et ont été remplacés par des membres indigènes.

Ce résumé de l’organisation judiciaire en Égypte sera à peu près complet lorsque j’aurai ajouté qu’il n’y a pas de juridiction administrative, et, à ce point de vue, ce pays se trouve en avance sur bon nombre de nations européennes. Enfin, les langues judiciaires employées dans les tribunaux mixtes sont l’arabe, l’italien et le français. Les Anglais veulent qu’on y ajoute la leur. Pourquoi pas toutes celles qui se parlaient à Babel ?

Une si grande quantité de tribunaux mixtes et indigènes vaut à l’Égypte tout un monde, — Très intelligent, du reste, — d’hommes de loi et de plaideurs. C’est la Normandie chicanière, vétilleuse, transportée sous une autre latitude. Il y a proportionnellement, au Caire et à Alexandrie, plus d’avocats qu’il y en a à Paris, et si l’on additionnait les frais de procédure particulière au montant du budget officiel du ministère de la justice[1], on arriverait à un chiffre considérable pour un si petit territoire.

En résulte-t-il des jugemens plus parfaits qu’ailleurs ? Non, certainement, car la justice est atteinte d’un vice capital : sa pluralité de juridictions, bien difficile à faire disparaître par suite de la profonde différence des religions. Mais par quel procédé obtenir l’unité ? En étendant, il me semble, peu à peu la compétence des tribunaux mixtes et en ne la mettant pas sans cesse à l’ordre du jour du conseil des ministres. La liste des infractions auxquelles ces tribunaux restent étrangers est aussi vraiment trop grande. La voici en entier : corruption, concussion, évasion de prisonniers ou recèlement des criminels sous le coup d’une poursuite de la part des tribunaux mixtes, abus d’autorité d’un fonctionnaire, bris de scellés judiciaires, fausse monnaie, faux, incendie, faux témoignage, faux serment, banqueroute, vols, abus de confiance, abus de mandat, abus de blanc-seing, vols et détournemens de titres, pièces et documens officiels ou judiciaires, entraves aux enchères, abus commis dans les transactions commerciales, destruction d’effets de commerce, de registres, de documens, de bornes, de plantations et de clôtures.

Ainsi que le dit M. Privat dans son Étude sur l’organisation judiciaire, déjà citée, le personnel judiciaire indigène est notoirement insuffisant pour un si grand nombre de délits. Il est donc indispensable, en attendant mieux, de fortifier l’élément international

  1. Le ministère de la justice est Inscrit au budget de 1888 pour la somme de 8,316,000 francs.