Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 91.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y ont contribué. Ce sont les radicaux qui ont fait le général Boulanger, qui l’ont porté au ministère de la guerre, qui l’y ont soutenu, et même, après sa chute retentissante, l’ont encore défendu, dans l’espérance de trouver en lui un instrument de leurs passions. Ils ont fait l’homme, ils l’ont aidé tout au moins à devenir un personnage. Ce sont les opportunistes qui ont fait la situation, qui, par leurs connivences avec les radicaux, par une série de faiblesses, de déviations ou de faux calculs, sous prétexte de concentration ou de politique républicaine, se sont laissé entraîner à tous les excès de parti et de secte. Lorsqu’il y a quatre ans, aux élections de 1885, le pays, fatigué d’expéditions lointaines, de dépenses ruineuses et de persécutions irritantes, a commencé à témoigner par ses votes qu’il en avait assez, ce sont les républicains, même des républicains modérés, qui ont imaginé cette théorie, qu’il n’y avait pas à tenir compte de l’opinion de près de la moitié de la France : mieux valait voter pour M. Basly et M. Camélinat ! Lorsque les occasions se sont présentées, — et il y en a eu précisément une à la chute du général Boulanger, — où l’on aurait pu essayer de créer un certain état de tolérance par un rapprochement des forces modérées de tous les partis, ce sont les républicains du gouvernement qui n’ont pas osé aller jusqu’au bout, par crainte de leurs alliés du radicalisme, qui ont préféré tout à une apparence d’entente avec les conservateurs. Opportunistes et radicaux, les premiers plus que jamais subordonnés aux seconds, ont persisté dans leur politique. Ils ont continué à accumuler les déficits dans les budgets, à tout sacrifier aux cupidités de leurs clientèles, à menacer un pays exténué de nouveaux impôts, à multiplier les laïcisations et les mesures provocatrices, à tout ébranler et à tout désorganiser. Ils ont mêlé beaucoup d’agitation à beaucoup d’impuissance.

Le résultat, c’est cette situation où les mécontentemens de 1885, loin de diminuer, n’ont fait que s’accroître et s’envenimer. Toute la fortune du général Boulanger est là : elle est née de ce concours d’une désaffection publique continue, croissante, et de l’obstination des partis dans une politique épuisée et déconsidérée. Ce sont les républicains qui l’ont voulu : ils s’aperçoivent aujourd’hui que cette candidature qu’ils voient s’élever devant eux, qui est née de leurs œuvres, pourrait être un danger pour la république : c’est bien le moment ! Et après avoir fait le mal, quel remède ont-ils à offrir ? Ils n’ont trouvé rien de mieux que de convier pathétiquement les républicains de toutes les nuances, les modérés comme les autres, à voter pour un candidat radical, purement radical. Et si vous n’êtes pas convaincus, on vous répondra que Paris, le vrai Paris avec lequel il faut compter, n’en accepterait pas d’autre. D’où il faut conclure que les modérés, qui n’ont pourtant jamais aida à la fortune de M. le général Boulanger, ne