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l’assentiment de la Sublime-Porte. Nul n’ignore que le traité de Paris et le traité de Berlin garantissent, au nom des puissances européennes, l’intégrité de l’empire ottoman. Et pourtant les Anglais persistent à soutenir que le khédive est maître chez lui[1].

Je n’ai plus rien à dire du rôle inutile que joue actuellement l’armée anglaise en Égypte, et je ne puis que répéter qu’elle est pour le budget un fardeau écrasant. Officiers et soldats y vivent en désœuvrés, combattent les ennuis de l’occupation en s’adonnant avec fureur à leurs jeux favoris de boules et d’équitation. Ils ont organisé des courses dans les belles prairies de la Djeziret, en vue des Pyramides, non loin de la belle chaussée bordée d’acacias qui y conduit. C’est là qu’on voit dans de magnifiques équipages, précédés de leurs légers saïs et flanqués de leurs eunuques noirs, les princesses égyptiennes et les femmes des pachas à peine cachées sous leur voile transparent. Le khédive, que je ne savais pas amateur de courses, s’y montre assidûment. A l’Abbasrieh, où se trouvent plusieurs casernes, j’ai assisté à une représentation de la comédie le Pour et le Contre, traduite en anglais. Ce n’était pas joué comme aux Français, mais les artistes, — surtout les femmes, — y mettaient une si bonne volonté qu’il serait impoli de les critiquer.


EDMOND PLAUCHUT.

  1. Extrait du Journal de Gordon : « Un autre reproche que je fais au gouvernement, c’est de s’obstiner à prétendre que le khédive gouverne l’Égypte. Cette fiction est percée à jour depuis longtemps. Peut-on imaginer plus plaisante comédie que celle-ci : lord Worthbrok demandant au gouvernement égyptien son concours pour mener à bonne fin l’exécution de telle ou telle mesure ? Je pense qu’en ce cas les deux augures, — lord Worthbrok et sir E. Baring, — doivent pouffer de rire au nez l’un de l’autre.