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est douée n’est nécessairement ni plus morale, ni plus sage, ni mieux en état de se gouverner, mais elle jouit de précieux avantages au point de vue de la production, de ses jouissances, de ses distractions. C’est, en quelque sorte, une nation plus humaine. L’instruction est à la fois, pour une société comme pour un homme, une force et une parure. S’il est bon de la développer et de la répandre, il s’en faut que l’état, sous ses trois formes de pouvoir central, de pouvoir provincial et de pouvoir communal, la doive accaparer. Quand il s’en mêle, ce qui est le cas universel chez les peuples civilisés, et ce que nos antécédens rendent en quelque sorte, même aujourd’hui, nécessaire, il ne saurait faire provision de trop de tact et de mesure. Sur nul terrain l’entraînement n’offre plus de dangers ; il est certains modes d’instruction officielle qui sont uniquement perturbateurs. Quelques mots sur chacune des trois grandes catégories de l’enseignement suffiront pour jeter un peu de jour sur une matière que des volumes entiers ne sauraient épuiser.

L’instruction supérieure, celle qui conserve et qui accroît le dépôt général des connaissances humaines, se délivre, à part quelques hautes écoles spéciales, dans ces établissemens que, par une antique tradition, l’on nomme encore des universités. Ce furent, à l’origine, des institutions fondées et dirigées par des corporations ecclésiastiques pour former les gens d’église. Peu à peu leur clientèle s’élargit, les futurs gens de robe, puis la jeunesse de plus en plus nombreuse appartenant à la classe supérieure ou moyenne qui recrute les professions libérales, y affluèrent. La théologie, la philosophie, la linguistique, y admirent, à côté d’elles, d’autres connaissances : le droit civil comme le droit ecclésiastique, la médecine, les mathématiques, et tardivement toute la variété des sciences physiques et naturelles, ainsi que les lettres modernes. Ces établissemens n’ont pu rester, dans la plupart des pays, complètement indépendans de l’état. Mais l’ingérence de ce dernier s’est produite à des degrés divers : chez certaines nations, comme la nôtre, il a agi, suivant son procédé habituel, en révolutionnaire et en accapareur, supprimant toutes les traditions, tous les groupemens et aussi tous les liens entre les diverses brandies d’enseignement, détruisant non-seulement toute réalité, mais même toute apparence d’autonomie, établissant avec rigueur son monopole, fondé sur l’absolue dépendance des maîtres et des collèges, sur l’uniformité des méthodes dans tout le territoire et sur l’interdiction de toute concurrence libre. Dans d’autres pays, soit par des circonstances historiques qui donnaient à l’état moins de force, soit par une sagesse réfléchie qui limitait son ambition et sa présomption, l’état eut la main moins lourde. Les diverses universités, plus