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effleure à peine quelques-unes des affaires extérieures qui ont le plus vivement préoccupé l’opinion depuis quelque temps, qui la préoccupent encore. Il laisse tout indécis. On s’est séparé sans en demander davantage pour se livrer aux joies des fêtes populaires de Noël. Maintenant voilà le monde parlementaire dispersé, et le ministère de lord Salisbury plus ou moins tranquille dans sa liberté. Le parlement ne se réunira plus que dans quelques mois, pour la session de l’année nouvelle. Mais, d’ici-là, que se sera-t-il passé ? Il est certain qu’au moment où les chambres s’en vont, il reste deux questions en suspens, deux questions vivement agitées, assez sérieuses ou assez délicates pour créer plus d’une difficulté au gouvernement de la reine Victoria, impératrice des Indes, protectrice de l’Egypte.

Que deviendront ces affaires de Souakim et de Zanzibar, qui commençaient à passionner le parlement anglais au moment de sa séparation, et dont le ministère ne laissait pas de paraître embarrassé ? Une de ces questions, celle de Souakim, il est vrai, vient de prendre une face nouvelle par un de ces petits succès militaires qui plaisent toujours, même à une grande nation accoutumée à de bien autres fortunes. Le général sir Francis Grenfell, envoyé un peu à l’aventure, avec quelques forces, pour délivrer la ville cernée depuis longtemps par les bandes soudanaises d’Osman-Digma, n’a pas perdu de temps. A peine arrivé, il s’est jeté résolument sur les Soudanais et les a forcés à lever le siège. Cela n’a pas été long ; après un combat meurtrier qui n’a pas duré une heure, les mahdistes, surpris dans leurs retranchemens, ont été mis en fuite. Le général Grenfell est resté maître du terrain ; la garnison égyptienne de Souakim est dégagée et la ville est libre.

Le succès est complet autant qu’il a été rapide ; mais on n’est peut-être pas plus avancé, et c’est ici justement que les embarras recommencent. Si le général Grenfell, après avoir délivré Souakim, ramène ses troupes au Caire, laissant la garnison égyptienne livrée à elle-même comme par le passé, on n’a rien fait ; Osman-Digma et ses bandes, qui n’ont pas été refoulés bien loin et qui ne paraissent pas découragés, ne tarderont pas à revenir plus acharnés que jamais pour reprendre cet étrange siège qu’ils poursuivent depuis plusieurs années. Si l’on reste à Souakim avec l’intention de s’engager encore une fois dans les déserts du Soudan pour essayer d’en finir avec les forces du mahdi, on risque de renouveler les expéditions malheureuses de Graham, de Wolseley. Il y a quelques mois à peine, lord Salisbury déclarait d’un ton dégagé qu’il n’y avait aucun intérêt à occuper Souakim, que c’était un péril sans compensation. Il paraît avoir changé d’avis, surtout depuis le succès du général Grenfell, sans dire toutefois ce qu’il veut faire, s’il entend rester définitivement à Souakim, s’il se propose d’étendre ses opérations dans le Soudan pour mieux