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jamais l’histoire de la peinture ou de la sculpture de celle des moyens techniques qui en sont le support nécessaire, M. Eugène Müntz a posé dans ce premier volume les assises d’un véritable monument, dont il y a plaisir à entrevoir par avance les vastes proportions, et dans lequel nous ne lui demanderons que d’introduire un peu plus d’air et de lumière. Au surplus, à mesure qu’il avancera dans son œuvre et qu’il sortira de cette période obscure et confuse des origines, où l’art lui-même, entre plusieurs directions qu’il pouvait prendre, tâtonne et cherche encore la plus conforme à son génie, cette clarté supérieure se fera d’elle-même dans le livre de M. Eugène Müntz. Et si nous nous permettons de formuler cette légère critique, ou plutôt d’exprimer ce souhait, quand il nous était si facile de nous en tenir à un éloge banal, M. Müntz, et nos lecteurs surtout, n’y verront qu’une preuve de notre admiration, en même temps que de notre intérêt pour cette Histoire de l’art pendant la Renaissance.

Passons rapidement sur quelques autres ouvrages, qui sont utiles sans doute et instructifs, mais qui perdraient trop au voisinage de celui de M. Müntz, et qui, d’ailleurs, n’ont pas précisément le mérite de la nouveauté. Tel un petit volume sur la Sculpture[1], tiré de la Grammaire des arts du dessin, de défunt Charles Blanc, bien défunt. Tels encore deux volumes de la collection Didot: Architectes et Sculpteurs et Peintres et Graveurs. Il est vrai que, ne s’adressant pas tout à fait aux mêmes lecteurs, on ne peut pas exiger d’eux les mêmes qualités. A ceux qui ne les connaissent point, ils pourront donc servir de préparation ou d’introduction à des ouvrages plus étendus, plus détaillés, plus savans ; et si, comme nous le pensons, c’est bien là tout ce que leurs éditeurs ont voulu, ils ont attrapé le but.

N’est-ce pas encore presque un ouvrage d’art que le Journal des fouilles de Suse[2], de Mme Jane Dieulafoy? je veux dire : le principal intérêt n’en est-il pas fait du profit que l’histoire de l’art a déjà tiré, tirera sans doute encore du résultat de ces fouilles elles-mêmes? Car, pour les aventures de route ou de séjour que l’on nous y raconte, nous avons pour notre part l’imagination tellement paresseuse, ou peut-être si exigeante, que nous avons beau faire, nous ne réussissons pas à nous y intéresser. Il nous semble du moins que ce sont toujours un peu les mêmes aventures qui arrivent à différens voyageurs, et nous admirons sans doute leur courage, leur patience, leur audace, leur endurance du froid, du chaud et de la pluie; nous prenons notre part de leurs dangers, de leurs fatigues, de leurs déceptions, mais, vraiment, nous ne les leur envions point, et dans les récits qu’ils nous en

  1. Laurens, 1 vol. in-8o.
  2. Hachette, 1 vol. in-8o.