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effectif de 2,600 hommes. L’agitation diminua, mais ne cessa pas ; il arriva même que les Flissa, dont la défection n’avait d’abord été que partielle, finirent par se déclarer tous pour la cause du chérif. Dans cette conjoncture, le général Pélissier constitua, sous les ordres du général Camou, une seconde colonne forte de 5,000 hommes, y compris les corps détachés au camp de Dra-el-Mizane, en se réservant la direction des opérations militaires et le commandement supérieur des deux colonnes réunies. Celle du général Cuny occupait la position de Tizi-Ouzou, dont elle avait relevé le bordj. Arrivé, le 30 octobre, à Dra-el-Mizane, le gouverneur mit les deux colonnes en mouvement, le 1er  novembre. Malmené le 2, Bou-Baghla fut atteint et battu, le 3, au village de Tizilt-Mahmoud, qui passait pour inaccessible. Jamais, en effet, dans les querelles entre Kabyles, ce village n’avait pu être emporté par les uns ou par les autres ; aussi était-il devenu une sorte d’entrepôt où chacun avait cru mettre en sûreté son avoir. Après que les troupes s’y furent ravitaillées, il fut mis à sac, et les flammes qui le dévorèrent servirent de signal à d’autres incendies ; dans un rayon de 4 lieues et dans ce seul jour, les troupes brûlèrent vingt-neuf villages.

Dès le 4 les offres de soumission et les otages commencèrent d’affluer. Laissant au campement le général Cuny pour hâter le recouvrement des amendes, le général Pélissier, accompagné du général Camou, se porta chez les Mâtka. De plus ou moins bonne grâce, les tribus de cette confédération se soumirent. Alors le gouverneur par intérim fit succéder à l’action militaire les opérations administratives. Il décida qu’à l’avenir les populations voisines du plateau de Boghni relèveraient directement de l’autorité française, et il leur donna pour chef, avec toute l’autorité d’un kaïd, le lieutenant Beauprêtre. Celui-ci eut Dra-el-Mizane pour résidence, et pour force publique une compagnie de 175 tirailleurs avec un maghzen de 50 chevaux.

Les Flissa restaient à réduire. Il ne fut pas nécessaire d’employer contre eux la rigueur d’une exécution militaire ; la menace y suffit. Réunies à Bordj-Mnaïel, toutes les djemâ de cette grande tribu se soumirent aux conditions du plus fort. Le général Pélissier rentra, le 27 novembre, au palais d’Alger.

Le 26 octobre, le général de Saint-Arnaud avait remplacé le général Randon au ministère de la guerre. Le 2 décembre, il exécutait le coup de force en vue duquel il avait été appelé d’Afrique à Paris. Le 11 décembre, le général Randon fut nommé gouverneur-général de l’Algérie; le 1er  janvier 1852, il était à son poste.


CAMILLE ROUSSET.