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électoral de Brunswick Lünebourg, mais encore duc de Cornwall et de Rothsay, Eail of Carrick, baron de Renfrew, lord des Isles, grand-intendant d’Ecosse, prince de Galles et Earl of Chester. De 1830 à 1837, Guillaume IV ne coûta pas moins de 162,500,000 francs à l’Angleterre. Sa majesté Victoria, reine d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande, défenseur de la foi, depuis impératrice des Indes, lui succéda. Fille du duc de Kent, nièce de George IV et de Guillaume IV, son règne, aujourd’hui de cinquante et un ans, est un des plus longs que l’Angleterre ait connus. Deux souverains seuls ont dépassé cette durée : Henri II f, qui occupa le trône cinquante-six ans, et George III, qui régna cinquante-neuf ans et trois mois.

Otage que la liberté britannique délient dans son palais, la reins d’Angleterre se limite strictement au rôle passif que lui impose une constitution d’autant moins discutée qu’on ne la retrouve écrite nulle part. Elle garde le trône sans l’occuper, entourée d’une maison civile qui ne compte pas moins de 931 titulaires, non compris les serviteurs, dépensant peu, thésaurisant, et devenue, après un demi-siècle, la plus riche propriétaire de fermes du royaume-uni. Enfermée par le respect général dans un cercle restreint, défendue par l’étiquette traditionnelle, la reine est un être à part, une abstraction, non une individualité agissante, une idole dans le sanctuaire, idole coûteuse, mais dont l’Angleterre n’estime pas payer trop cher le service qu’elle lui rend de représenter un principe, de vivre en dehors et au-dessus des partis, personnification de la royauté héréditaire consacrant la démocratie moderne. Si coûteuse que puisse être cette abstraction couronnée, elle l’est moins que ne le serait un remaniement complet de l’état de choses actuel, moins qu’une révolution ébranlant un crédit public le plus solide du monde et ouvrant la porte à des éventualités redoutables.

On raconte qu’un membre du parlement, désireux de se renseigner exactement sur ce que l’établissement royal coûtait à l’Angleterre, donna ordre à son secrétaire, en 1860, d’établir ce relevé, et qu’après plus d’un an de travail, ce dernier n’avait encore pu achever de dépouiller les documens relatifs aux oncles et tantes de la reine. Il semble, en effet, que l’on ait à dessein tellement embrouillé les chiffres, qu’il soit extrêmement difficile d’arriver à un total exact. Par exemple, la liste civile et les annuités payées aux membres de la famille royale figurent au chapitre des fonds consolidés, les dons spéciaux (special grants) au chapitre des finances, les occasional grants au budget civil, l’entretien des palais et de Marlborough-House au service civil; les revenus des duchés de Lancaster et de Cornwall ne font que depuis peu l’objet d’un compte spécial; de même pour l’entretien des yachts. Les dépenses des bâtimens frétés pour la famille royale figurent au budget de